Chapitre 3 : Nat
Eté 2003. Arrivent les
vacances d’été, et nous partons à deux dans le Verdon afin d’oublier tout cela.
Le temps nous aide à digérer ces huit derniers mois. Je peux alors faire le
point. Nous rentrons plus posés, sereins. Maintenant nous sommes fixés, nos
corps ont finis d’être examinés à la loupe. Le dossier médical s’est alourdi depuis un
an mais notre avenir dans ce domaine a désormais un nom : FIV-ICSI. Nous
avons conscience que ce n’est vraiment que le début d’une grande aventure avec
d’autres examens, opérations et tourments. Une page se tourne et il faut bien
que nous nous lancions. De plus la culpabilité a entièrement disparu :
nous sommes un couple infertile, et individuellement infertile, nous étions vraiment
faits pour être ensemble !
Une
solitude qui s’éloigne…
Ma cœlioscopie était
le premier acte chirurgical dans ma chair mais malheureusement pas le dernier
comme me le promet le processus des FIV. Je cherche tous les documents qui
peuvent m’aider à anticiper ce qui va nous arriver : de nouveau face à mon
ordinateur, je cherche de l’aide. Je tombe sur des sites Internet et des forums
où beaucoup de couples mais essentiellement des femmes parlent de leur
endométriose, de leur vécu face à l’infertilité et les réponses données en PMA.
C’est de cela dont j’ai besoin : lire les expériences des autres à ce
sujet. Je me documente. Les sites concernant l’endométriose me
terrifient : ces femmes décrivent toutes les douleurs qu’elles ressentent,
tous ces symptômes que j’ai la chance de ne pas connaître. Les souffrances sont
inégales, notamment selon les stades de la maladie (de un à cinq). Je me
reconnais dans certains détails mais globalement je me sens épargnée et j’en
suis soulagée. Je constate sur un forum que beaucoup de questions tournent
aussi autour des traitements et je laisse un message concernant l’énantone et
ses effets secondaires. C’est ainsi que je fais la connaissance de Nathalie.
Rapidement nous nous livrons l’une à l’autre au travers de nos e-mails.
Avec elle je parle
librement de notre histoire, sans peur d’être jugée, sûre d’être comprise. Je
ne ressens pas de pression, elle ne guette pas mes nouvelles : elle sait
ce que je vis et ressens puisqu’elle vit aussi le parcours des FIV. Son
expérience m’aide. Je lui fais part de ma déception de commencer directement
par des FIV-ICSI : le traitement est beaucoup plus lourd que les Injections
Intra Utérines. Si cette technique échoue, il n’y aura à priori pas d’autres
solutions. Elle m’écoute, me parle aussi de ses angoisses. Nous discutons de
nos sentiments, nous partageons nos points de vue sur la congélation des
embryons surnuméraires, le diagnostique pré-implantatoire, ou encore sur la
main de l’homme sur notre éventuelle procréation (ou devrais-je dire
reproduction)… J’ai encore quelques moments de stress et de perte de courage.
Avec Nat, j’ai trouvé mieux qu’un professionnel pour me soutenir et éviter de
perdre de l’énergie inutilement en me morfondant. Nos échanges marquent une
confiance entière. Nos maris n’y voient que des avantages : moins bavards,
ils savent que nous trouvons quand même notre dose de réflexion et ils n’ont
plus à se casser la tête pour nous faire cheminer ! Mon couple a trouvé son
équilibre. C’est un échange quotidien qui s’instaure par le biais de nos
messageries. Nous cherchons ensemble où trouver cette force en chacune de nous,
et nous débattons sur l’utilité controversée d’identifier la source de nos
problèmes. «En fait c’est vrai que je ne me pose pas tellement de question sur
l’origine de nos problèmes (que ce soit les miens ou ce de mon mari), car je
crains que ce ne soit que négatif, et que l’on remette en cause notre passé
voire même des personnes : je ne cherche pas d’événement qui pourrait être
la cause de nos problèmes. La seule chose qui m’interpelle quelque peu dans les
moments difficiles est ce côté d’injustice : pourquoi nous et pas les
autres ? Mais naturellement j’ai plutôt tendance à me dire que la vie est ainsi
faite pour nous (et le bilan en reste quand même très positif) et j’aimerais
trouver des idées pour le vivre au mieux. ». « J'ai lu un certain
nombre de textes prétendant que les causes pouvaient être psychologiques. Or,
j'ai eu une enfance heureuse et encore aujourd'hui je peux dire que je suis
heureuse de ma vie. Et pourtant je ne voudrais pas prendre le risque que mon
endométriose évolue mal. Je voulais donc connaître ton point de vue et ton
expérience». Nous communiquons par abréviations : endo (endométriose), ttt
(traitement), FIV, picpic (piqûre), etc… Nous n’allons plus sur les forums où
les témoignages de souffrance nous angoissent. Ecrire nous éclaircit, et les
réponses forment un soutien incontestable face au temps qui passe :
l’horloge biologique tourne ! Je sens que je me décourage moins vite qu’au
début, mais paradoxalement je me sens plus sensible qu’avant. Nous nous
permettons de craquer et de d’en parler car nous estimons que ce que nous
vivons n’est pas évident. Nous nous se lâchons par mails interposés pour mieux vivre
le lendemain. « Extérioriser nos peurs et sentiments d'espoirs? Moi je
trouve que c'est une bonne chose d'en parler. Ce n'est pas pour autant que nous
focalisons dessus… D'ailleurs depuis que nous nous écrivons, j'en parle nettement
moins à mon mari ». J’écris à Nat tout simplement ce que je me disais
toute seule avant…J'ai l'impression justement de moins perdre mon temps, de ne
plus ruminer en rond. Et la vie se charge de nous faire relativiser: dans notre
entourage professionnel ou familial, nous avons des personnes qui luttent
contre une maladie alors que dans notre cas ce n'est pas une question de mort
mais tout simplement de vie …
Le bienfait
des témoignages
A la lecture des témoignages
de femmes qui vivent à peu près la même histoire que nous, mon sentiment de
différence et d’injustice s’atténue. Non je ne suis pas seule. J’apprends au
travers d’un article de magazine féminin qu’une femme sur quatre est concernée
par l’endométriose. Une émission de télévision traite du sujet : « il
faut instaurer un contrat moral entre le docteur et les parents […] savoir
arrêter quand tout a été essayé […] association Pauline et Adrien […] Le
Vatican condamne la FIV dans son ensemble […] Le professeur Frydman souligne la
nécessité de comprendre les échecs, la médecine n’ayant cependant pas toujours
les réponses […] il faut poser des limites […] il n’existe pas de système
d’évaluation de la santé des bébés nés par FIV» : j’ai encore matière à
réflexion !
Quelles sont nos
limites ? Ce seraient plutôt des limites de temps, nous en discutons avec
Cédric et nous sommes d’accord que dans cinq ans il faudra se résigner et
passer à autre chose… D’ici là je ferai toutes les tentatives possibles à
chaque accord du centre hospitalier. La question du renoncement me fait très
peur. Je repousse cette question de cinq ans.
Je commence à penser
aux risques que je prends avec ces traitements, pour ma santé et celle de nos éventuels
enfants. Le Professeur m’a assuré qu’en matière de cancer aucune étude sérieuse
n’a pu démontrer quoique ce soit. Cet avis ne semble pas unanimement partagé.
Je me penche sur la
lecture : je trouve divers ouvrages. « Lettre à une mère » de
René Frydman, « un enfant coûte que coûte » de Josée Pochat Duhamel
dont le titre est en contradiction avec « un bébé mais pas à tout
prix » de Brigitte Fanny Cohen et enfin je tombe sur « Le »
livre qui me fallait : « le guide de la fécondation in vitro »
de Miguel Jean et Christophe Burtille. Dès les premières lignes je suis
captivée : « ce livre est objectif, sans aucun optimisme idéaliste ou
de pessimisme prudent… ». Les auteurs donnent des conseils pour
dédramatiser, « vivre la FIV comme une chance, se reposer sur l’équipe
médicale et s’en remettre à eux, se faire aider si nécessaire et savoir
s’entourer ». Je souligne des passages, j’en redemande. Je me reconnais et
j’espère inconsciemment deviner mon avenir… Dites moi si je serai maman !
Vais-je porter l’enfant de mon mari ? Je conseille ce livre à Nathalie. Il
aborde tous les aspects : biologiques, psychologiques, sociologique et
j’en passe.
Le risque de désociabilisation
Mais ce soir, j'ai le moral qui baisse. Nous sommes
dans un environnement dans lequel des naissances nous sont souvent annoncées (trois
couples d'amis nous ont fait de telles annonces en trois mois), et ce soir
j’apprends la grossesse d’une amie (deux couples en une semaine...), sans
compter tous les jeunes mariés (nous avons assisté à six mariages cet été) qui
lancent les projets... Nous étions parmi les premiers à nous marier dans notre
cercle d'amis et maintenant je les vois tous prendre de l'avance. J'ai donc l'impression
de stagner... Leur vie est comme un miroir négatif pour nous. Notre foyer ne
s’agrandissant pas, il me semble ne pas avancer. Je me raisonne, je me veux
optimiste... Aujourd'hui les baisses de moral me semblent moins profondes,
moins douloureuses. Néanmoins, comment éclater de joie face à une telle
nouvelle ? Nous avons peur que les autres lisent sur notre visage notre
peine, alors nous sourions, nous leur disons que nous sommes très heureux pour
eux afin de ne pas gâcher leur joie... Au fond, nous avons tellement mal. Ce
n'est pas de la jalousie, juste un rappel que nous sommes différents...
Je souhaite que nos familles soient au courant de la
situation sans demander de détails. Nous ne souhaitons pas avoir à nous expliquer
sur certains choix (refus d’invitation ou autres). Je crains qu'ils n'agissent
plus aussi naturellement avec nous de peur de nous blesser. Par maladresse
certains propos sont blessants : « si j’étais à ta place, je
réfléchirais un peu : ce sont des traitements lourds qui ne porteront peut
être pas leurs fruits, et après les médecins te suivront pour voir si tu ne
développes pas un cancer ». Merci pour les encouragements ! Comme si je
n’étais pas écartelée entre la FIV et les risques encourus d’une part, et
l’absence reflétée quotidiennement par la chambre vide de notre appartement
d’autre part… J’enrage et comme souvent je mets du temps à l’exprimer. Nous
voulons préserver la spontanéité mais nous désespérons à la moindre remarque
mal venue. Nous devenons très exigeants dans nos relations amicales, nous
pardonnons plus difficilement et nous nous attardons de moins en moins sur nos
soucis. Un décalage se créé. Nous supportons mal les rapports superficiels qui
nous paraissent encore plus flagrants qu’à l’accoutumée. Les regards ne doivent
pas changer, mais la crainte du jugement se profile inexorablement. L’espacement
de nos sorties et le repli sur nous-mêmes deviennent notre solution. Nous
voulons oublier et profiter. C’est plus facile avec les nouvelles : les
règles ne sont pas encore définies.
Je me coupe du monde. Quand je vais mal, je ne veux
embêter personne. J'ai de plus en plus de mal à parler de notre infertilité
autrement qu'en termes médicaux. J’arrive
à expliquer nos problèmes "techniques". J’ai par contre du mal
à parler de mes sentiments ou de la manière dont nous vivons réellement tout cela.
Bilan, plus le temps passe, plus nous choisissons de le vivre à deux... Nous ne
donnons aucun détail sur ce qui nous attend : ni date, ni descriptions des
traitements. La règle est de ne pas nous exposer à des questions ou
inquiétudes. Au fond nous voulons même garder une part de surprise si ça marche !
Tout le corps médical est déjà dans notre chambre à coucher pour nous aider à
faire un bébé. Il y a déjà assez de monde dans notre vie intime pour ne pas y
inviter nos proches…
Pourquoi ce qui semble si naturel est un vrai combat
pour nous ? Nous nous rassurons en nous disant que tous ces tracas sont là
pour nous faire savourer les choses de la vie… Je veux m’endurcir, je n’envoie
pas de SOS alors que, pourtant, j’ai besoin de réconfort. Merci Nat d’être là
tous les jours ! J’ai peur d’en arriver à ne plus supporter la vue d’un
enfant ou d’une femme enceinte. Je suppose que c’est l’ordre logique des choses
alors je ne m’affole pas. Je pressens que cette peur est attendue autour de moi
également. Je ne suis naturellement pas gaga devant un bébé, à vouloir le
prendre à tout prix dans mes bras et à applaudir à chacun de ses gazouillis. Mais
qui peut le croire maintenant ? Penser que je suis meurtrie au point de ne
pas approcher un berceau est évidemment une interprétation logique et
privilégiée de mon comportement face à notre situation.
Avant la
première FIV
Mon traitement sous énantone a des effets plus longs
que prévus… Ma ménopause artificielle persévère… Je commence à avoir des
bouffées de chaleur à mon vingt-huitième anniversaire, la situation est paradoxale.
Lors de cet entracte forcé, j’arrive à dénombrer en effet une quantité de
points positifs à notre aventure :
- Notre couple s’est renforcé. Nous partageons les
mêmes objectifs et nous nous épaulons.
- L’envie de bébé devient un réel désir à deux de
construire un foyer. Ce désir est dorénavant réfléchi et non plus seulement instinctif.
Je sens un bouleversement progressif dans ce domaine.
- Cette expérience m’amène à placer le couple au
centre de notre foyer et non plus l’enfant.
- Nous prenons plus de temps pour nous et nous encombrons
moins avec les détails de la vie quotidienne.
- J’arrive de mieux en mieux à dompter mon impatience
(ou impétuosité comme disais mon grand-père !). Je me connais
davantage : je cerne ma force et mes faiblesses. Maintenant, nous nous
rassurons nous-mêmes.
- Je me
déresponsabilise, j’évite de dramatiser. J’adopte cette phrase trouvée sur un
site : « la stérilité n’est pas une fatalité mais souvent un
verrou » et j’en cherche la clef.
- J’apprécie à nouveau le sport, la lecture et les
spectacles.
Pour cette fin d’année 2003, je veux me sentir bien et
affronter cette FIV avec un maximum de chances. Je crois que je suis prête. Je
veux faire simple, tourner la page en écoutant et suivant mon humeur sans être
trop exigeante avec nous-mêmes. Nous ne sommes pas parfaits mais nous faisons
assurément pour le mieux. Je rencontre les sages-femmes lors du rendez-vous
préconisé cet été. Elles me gardent une heure. Je découvre la salle d’attente
et leur bureau où elles m’expliquent le protocole de la FIV-ICSI que je suivrai.
Après le début de mes règles, j’arrêterai tout sport et je commencerai le
décapéptyl (une piqûre par jour dans le ventre entre 17h et 19h) puis contrôle
échographique pour s’assurer que mes ovaires sont bien au repos J’ajouterai ensuite
le gonal-f (seconde piqûre à faire tous les jours, dans le même créneau
horaire) pour activer ces derniers en contrôlant tous les deux jours par une
prise de sang et une échographie le bon suivi des opérations. Viendra alors le
temps de la ponction où il me sera délivré un arrêt de travail de trois
semaines. La ponction des ovocytes sera réalisée par les voies naturelles sous
anesthésie générale après un déclenchement par injection de gonadotrophine
(encore une piqûre, intra musculaire cette fois, qui nécessite par conséquent
une infirmière). Pendant les trois semaines d’arrêt, tout effort sera banni
pour éviter les risques d’hyper - stimulation (les ovaires auront bien
travaillé : bien plus qu’à l’habitude puisque dix fois plus d’ovocytes
pourront être « fabriqués » par rapport à un cycle normal). Enfin le
protocole se terminera avec le transfert de deux embryons – à priori au
maximum- dans mon utérus, les embryons surnuméraires étant alors congelés. Les
embryons seront formés par micro-injection d’un spermatozoïde dans chaque
ovocyte. Je n’imaginais pas que le traitement serait aussi long et qu’il
comporterait autant de piqûres ! Un arrêt de trois semaines!!!! Moi qui
tablais sur une semaine... Je n'en ai parlé qu'à deux personnes à mon travail, car
je souhaite être la plus discrète possible. Néanmoins, il est évident que trois
semaines ne passeront pas inaperçues!
Pour
plus de liberté, Les sages-femmes m’apprennent à me piquer en sous-cutanée.
Elles me préparent à l’idée que le plus dur sera la notion de temps, d’attente,
en me rappelant qu’une psychologue est à ma disposition. Pour la première
FIV... c'est le chiffre "1" qui m'angoisse le plus... Encore une fois
je repars les bras chargés d’ordonnances. « Il ne faut pas y penser, je
connais quelqu’un qui a arrêté tous les traitements et qui est tombée enceinte
comme ça ! » : c’est une phrase tellement classique… toutes les
femmes du service de « Procréation Médicalement Assistée » l’auront
entendue. Mais comment ne pas y penser tous les jours avec toutes ses
piqûres????!!! Heureusement, le travail me distraira. Les médicaments procurés,
je me jette sur les notices et les descriptifs des effets indésirables,
secondaires voire des risques encourus (le gonal-f, composé d’hormones,
provient de cellules d’ovaires d’hamster !)…Le livre de Brigitte –Fanny
Cohen m’a déjà alerté à ce sujet : combien de cycles de stimulation
sont-ils acceptables pour ma santé ? Les récents scandales, notamment des
hormones de croissance, m’interrogent. Le risque pour ma santé est-il
définitivement exclu ?
Nous sommes plein
d'espoirs et donc aussi de peurs à occulter. Nous rêvons que ce
"cauchemar" finisse à
la première FIV
comme si rien ne s'était vraiment
passé... D'un côté nous croyons en toute cette technique très élaborée que sont
les FIV et de l’autre nous connaissons les caprices de
la nature... Plus
le temps passe et plus j'ai hâte d'y être. Je me dis que
depuis ces deux ans où nous essayons bébé, nous n’aurons jamais eu autant de
chances que ça marche !
Je voulais éviter de trop y penser, de peur d’un échec qui n’en serait que plus
dur à accepter… Mais c’est impossible, c'est plus fort que moi. Je
"rêve" même d'avoir le bonheur d'être enceinte de jumeaux !
J’entends Cédric s’écrier : « tu es impossible ma Nanou ! Profites de ce
que la vie t’apporte. Pour le reste on fait ce qu’il faut et on se réjouira le
moment venu, mais arrête de vouloir toujours plus ! ». Je suppose que
ce sera le dilemme à chaque tentative : s’empêcher d’y penser et oser en
rêver… Et c’est à ce stade de la réflexion
que mes règles arrivent en novembre, avec deux mois de retard sur la date
initialement envisagée. Elles sonnent le début d’un nouveau chapitre que nous
allons pourvoir entamer in extremis avant 2004. Nous planifions
scrupuleusement nos week-ends. Ne pouvant prévoir nos réactions à venir selon
les évènements qui nous attendent, nous décidons que Noël et nouvel an se
feront en tête à tête et nous mettons
en suspend des vacances au ski et une inscription dans une salle de gym. En cas
d’échec, au prochain traitement, nous nous laisserons vivre.
Je croise les doigts pour que mon
traitement ne soit pas interrompu, comme il arrive parfois du fait lorsque le
corps réagit mal au traitement. …Je ne m’inquiète plus de ce que je pourrais
dire à mon travail pour mes trois semaines d’arrêt. J’annonce à des collègues
que je vais cesser certaines activités avec elles : « ah bon, tu ne viens plus à la gym : tu es
enceinte ? »… Petites allusions qui sont finalement assez habituelles
dans une vie de jeunes mariés…« alors les petites jeunes, quand est –ce
que vous nous faites des bébés ? ». J’esquive, gênée. J’ai parfois
tenté des réponses du type : « on prendra ce que la vie nous
offrira », « c’est la vie qui décide pas nous »… Mais l’effet
produit est terrible car les personnes ne comprennent pas toujours ces
allusions. Désormais je reste donc évasive : « c’est une surprise que
l’on se réserve », « joker » etc. … ou Cédric répond que notre
situation n’est pas des plus propice car il travaille à quatre-vingts
kilomètres de notre domicile », « que l’on a encore le temps » …