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Ventre carré
7 juillet 2001

Chapitre 1 : ils se marièrent et ...??? (années 2001 - 2002)

officielleN     Je me rappelle le prêtre en train de prononcer, en ce 07 Juillet 2001, cette phrase traditionnelle : « …pour le meilleur et pour le pire …dans la maladie, la pauvreté… ». Je pensais avoir tout imaginé ou presque : tout sauf ça. Quoiqu’il puisse nous arriver, l’important était d’être deux et de continuer à avancer dans notre vie de couple. J’étais donc la plus heureuse, sûre de moi, rien ne pouvait entraver ce bonheur. Les intentions de prières, les chants de notre messe de mariage, tout était tourné vers notre devenir : être parent, avoir un enfant… « Voire deux, trois, quatre ou plus » comme s’est plu le maire à nous le rappeler en montrant le livret de famille tout neuf avec ses pages blanches qu’il nous souhaite, avec un sourire complice, de remplir… J’épouse entièrement ce projet de vie : être maman… Nous ne cachions pas nos projets à nos proches, tout en faisant semblant de rester prudents sur l’avenir car nous ne le maîtrisons pas (même si, au fond, de moi je pensais être enceinte rapidement). Personne n’était dupe et les « de nos jours, à moins de s’en protéger, l’enfant peut arriver bien vite ! » de nos familles étaient révélatrices.

L’inquiétude

     Quelques mois se sont écoulés depuis le mariage et je m’inquiète déjà. Je repense à quelques femmes qui me sont proches affirmant tout haut « il suffisait qu’il me regarde pour que je sois enceinte ! »…

     Des doutes s’installent, ils n’osent être dits de peur de porter malheur… Pourtant plus le temps passe plus je ne pressens rien qui vaille. Qu’ai-je donc ? Pourquoi je n’y arrive pas ? Je me sens assez seule mais c’est un mal nécessaire. J’en parle à Cédric qui me rassure en me taquinant et je ravale la véritable ampleur de mon angoisse. Je ne veux cependant pas trop l’inquiéter. Nous faisons comme si de rien n’était ; après tout, ce n’est qu’un contretemps. Nous prévoyons tout dans l’attente d’une heureuse nouvelle : nous louons un appartement en prenant soin d’avoir une deuxième chambre, nous achetons une voiture cinq portes avec un airbag qui peut se désactiver pour la mise en place d’un siège bébé à l’avant. Bref, il suffit d’attendre. Tout est prêt. Sauf mon corps…

     Mon ventre fait de la résistance. Je me sens pourtant programmée pour cette vie : rencontre du prince charmant puis « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… ». Je redescends tout à coup de mon petit nuage et je me confronte enfin à la réalité. Jusqu’alors, la vie avec Cédric avait effacé mon manque de confiance en moi. Sa rencontre s’était accompagnée de réussite dans mes études. Moi qui avait du batailler pour réussir, tout ce bonheur si soudain me culpabilisait. Mon pessimisme prudent a-t-il provoqué notre malheur ? Je veux savoir ce qu’il se passe.

     Je retrouve mon caractère ou plutôt mon éducation. Je refuse de subir, il faut que j’agisse. Le poids de la responsabilité d’une réussite nous a toujours été inculqué aussi bien à mon frère, ma sœur qu’à moi. « Si tu veux, tu peux  alors donne-toi les moyens ! ». J’ai cru que tout mon bonheur ne dépendait que de moi. La phrase fétiche de mon père résonne encore « fais ta place au soleil ! Je serais fier de nous si tu en fais une plus belle que la mienne, c’est ce qui me rendrait heureux en tant que père ». Petite fille, je me préparais à l’idée de devoir assumer seule le poids du bonheur à construire. Mon stress face aux divers diplômes ou concours résidait bien dans cette idée : il fallait que je réussisse pour mériter ma vie confortable. Je me projetais sans cesse dans l’avenir synonyme d’inconnu et donc source de peur. J’avais hâte d’ être enfin libérée, lancée dans la vie active que j’aurais choisie, pressée de m’installer et de profiter du fruit de ces efforts. Aujourd’hui nous y sommes mais un manque persiste.

     Que faire pour comprendre ce vide sans peiner Cédric. Facile à vivre, son entrain m’influence. Il est serein et ne devance pas son devenir. C’est une qualité que je ne veux pas lui gâcher avec mes craintes et c’est ainsi que je décide d’acheter un persona, petit appareil électronique permettant de connaître mon cycle- achat moins alarmant qu’une prise de rendez-vous en couple chez une gynécologue. Je prétexte que ce pourra même être un outil de contraception pour plus tard : après nos quatre enfants, il en faudra bien, non ? !

     Feu rouge : c’est maintenant qu’il faut agir ! la notice de mon petit engin explique qu’une lumière verte signifie aucun risque (je dirais plutôt chance !) de procréation et qu’une lumière rouge  caractérise l’entrée dans la période d’ovulation. Je guette chaque mois cette petite lumière rouge. Le symbole identifiant le jour « J » s’inscrit, je me rassure : j’ovule donc !

      Mais alors quoi ? Huit mois se sont écoulés depuis notre mariage et je commence à dénaturer nos rapports. Je me surprends à les calculer… STOP ! Je sais que je vais trop vite, m’inquiète trop vite mais la question s’impose… Cédric est d’accord pour que nous consultions. Rendez-vous est pris. Un peu au hasard de l’annuaire, je m’adresse à une gynécologue (ma pudeur m’oriente vers une femme). L’entretien se passe mal : elle ne répond pas à mes craintes, me parle de frottis comme unique réponse à ma venue chez elle. Cédric reste silencieux, il se demande sûrement ce qu’il fait là ! J’en ressors révoltée : je réalise que les réponses ne sont pas si simples à trouver et Cédric, mal à l’aise, est étonné de me voir réagir ainsi. J’en veux à cette gynéco qui souhaite gérer mon corps comme un mécanicien répare une voiture ! Je lui en veux d’avoir clos si rapidement la discussion en prétextant que rien ne laisse présager des difficultés, que je ne dois pas agir comme si j’enviais tous ces couples qui ont de sérieux problèmes de fertilité. J’avais besoin qu’elle m’explique, qu’elle me parle, qu’elle me donne son point de vue : « la nature est parfois capricieuse, il est trop tôt pour s’inquiéter et vous faire des examens, prenez encore quelques mois et reprenons rendez-vous etc. … ». Mais non, elle n’a su que me culpabiliser davantage ; rien de bien positif. C’est un rendez-vous manqué.

     Encore une fois, je patiente mais cette fois Cédric prend part à mon cheminement. Nous partons en vacances, nous prospectons pour l’achat d’un appartement et nous décidons d’attendre pour réengager une recherche. Nous calibrons notre vie matérielle non plus sur notre futur rêvé mais bel et bien sur le présent. Je vis au jour le jour en profitant de ce moment de repos que j’ai réussi à accepter. Nous nous installons dans une nouvelle ville, un nouveau cadre de vie.

     Après ce break, des questions me surprennent : d’où vient cette envie de bébé ? Est ce un caprice ? Un désir sincère et profond ? Je sens une profonde conviction selon laquelle l’enfant est le sens de ma vie de couple. J’ai besoin de transmettre mon savoir, d’éduquer un petit être dont le sang serait un merveilleux mélange du nôtre. Les beaux ventres ronds me charment. Le dégoût de certaines se qualifiant de « grosse baleine » m’est étranger : je suis fascinée par cette idée d’avoir une vie en moi. Paradoxalement, le nourrisson ne m’attire pas tellement, petite dernière de ma famille je manque certainement d’entraînement… C’est pourtant sûrement révélateur.

Le diagnostic

      Plus d’une année s’est écoulée depuis notre mariage. Tous deux convaincus d’une difficulté à découvrir, nous reprenons rendez –vous, quatre mois plus tard, cette fois chez une gynécologue – obstétricienne. Les délais sont longs (trois voire six mois d’attente). Mais qu’importe ! Je me persuade qu’ensuite tout ira plus vite…

      Je vais seule à ce rendez-vous. Une femme d’un âge mûr m’accueille : sa chaleur me met en confiance. Elle sourcille à quelques détails que je lui livre : cycles menstruels irréguliers dont la durée varie de vingt-neuf à trente-six jours, voire quarante-et-un jours (grossesse nerveuse ? que de tests achetés avec l’espoir que dix jours de retard soient signes d’une grossesse !…), etc. … Elle me tend de nombreuses ordonnances pour des examens divers et variés. Le menu n’est pas des plus enchanteurs ! Elle a le mérite de répondre à chacune de mes questions, et c’est déjà beaucoup. Elle m’aide à considérer chaque éventualité et me permet d’y trouver à chaque fois une échappatoire. Tous les problèmes envisagés semblent surmontables.J’y crois, son ton positif m’atteint. Je la remercie, je me sens enfin comprise. Je ne suis pas folle. Je jette mon persona qui avait pris une place trop centrale dans notre intimité et je prends le temps de faire chaque examen sans empressement. Je me sens plus calme, moins tourmentée. Je vais enfin avoir des réponses !

     J’ai droit à un bilan hormonal, un dosage sanguin, des échographies pelviennes et un test d’Hühner simple puis croisé pour commencer. Les prises de sang ne donnent rien d’anormal. Les échographies semblent troubler la radiologue mais ma gynécologue passe outre. Restent les tests d’Hühner qui permettront de juger de la qualité de ma glaire cervicale et de l’accueil fait aux spermatozoïdes de mon mari. Le programme fait sourire Cédric : il faut dire que le test d’ Hühner nous impose de mettre le réveil à cinq heures et demi du matin pour un rapport matinal, le but étant que je fonce ensuite au laboratoire pour un prélèvement de la glaire cervicale, tout cela avant d’être au boulot à huit heures !

Matin de décembre. Nos yeux s’écarquillent au doux son de ce radio –réveil sur lequel, une fois de plus, nous avons envie de nous défouler. Au radar, nous nous redressons avant de réaliser qu’il fait encore nuit et que le réveil nous ordonne de faire un câlin illico presto avant que Cédric ne parte le premier pour son travail : toutes les conditions sont réunies pour obtenir une performance désastreuse mais une franche rigolade ! L’examen au laboratoire et l’arrivée au travail me paraissent irréels…Episode croustillant de notre parcours… Je suis insouciante. Enfin prise en charge par un médecin, nous avons retrouvé notre bonne humeur. Nous ressentons les interrogations silencieuses des familles et amis mais cela ne nous pèse pas, du moins pas encore. Nous vivons dans un cocon, peut-être pour nous préparer à la suite. Je me détache de mes déceptions mensuelles puisque nous sommes médicalement pris en charge. A chaque retour de résultats du laboratoire, nous nous interrogeons, nous tentons d’interpréter, nous nous informons sur Internet (nous nous rendons d’ailleurs compte de la façon dont cette technologie change les rapports entre patients et médecins !). La question de l’origine de notre infertilité demeure mais de façon moins oppressante. Les examens se succèdent. Ils sont contraignants, nombreux et leur planification prend du temps. Les mois et les cycles passent. Jusqu’au jour où… Face à ma gynécologue, vient le temps des explications. D’autres examens sont nécessaires : cette fois uniquement pour Cédric. L’étau se ressert… Le spermocytogramme n’est pas non plus un examen facile et un laborantin peu discret n’arrange pas la chose…. Nous partageons davantage nos questions et nous nous rapprochons sur le sujet d’autant que les doutes sont officiellement légitimes donc mieux vécus. Nos proches se leurrent, ils croient que nous patientons. Je ne suis pas patiente. Je voudrais accélérer tout cela, c’est si long, je pense toujours être au sommet alors qu’il ne s’agit que d’un col. Quand tout cela va finir ?…Et comment ?

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