NB : centres français capables de traiter le STT: Necker, Strasbourg, Rouen, Clermont-Ferrand et Marseille. A necker, le professeur en charge du service concerné est le Professeur Ville, innovateur du traitement foetoscopique en France.
interview écrite du professeur Ville (spécialiste français de l’opération au laser dans le cadre du STT, a déménagé de l’hôpital de Poissy pour l’hôpital de Necker depuis novembre 2008):
« le guide de la fécondation in vitro » de Christophe Butruille. Livre génial qui traite de tout ! On y a le détail des protocoles de la FIV, le nom des médicaments, des témoignages, bref extra, tous les aspects sont abordés.
« Mieux vivre avec… une PMA » de Cendrine Barruyer
Inès et Manon ont 5 ans, Loan 2ans et demi et Elsa bientôt 1 an. Pour l'instant ils vont tous les quatre très bien: la prématurité d'Inès et Manon semblent bien loin, elles n'ont pas de séquelle de leur syndrôme transfuseur-transfusé ni a priori de leur conception in vitro ICSI. Loan continue sur le schéma classique et nous sommes complétement rassurés quant au rein unique d'Elsa qui grandit tout à fait normalement. L'aventure de la famlle nombreuse peut commencer!
Quelle aventure ces grossesses !... Lors de ma dernière échographie prévue à la fin de mon 7e mois de grossesse de notre 4e et petite dernière, le médecin m’informe qu’il est à noter que « le rein droit du bébé semble plus petit et plus bas. Le rein gauche est tout à fait normal ». Il finit l’examen, je reste muette et il termine en me rassurant : « il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour ce rein, le système urinaire fonctionne bien, cela se voit au liquide amniotique présent en bonne quantité et à la bonne évolution du bébé, elle a bien pris du poids et tout le reste de son développement est normal . Il faudra simplement contrôler ça à la naissance par une échographie ». Sur le compte rendu il est écrit "à signaler seulement un rein droit fœtal plus difficile à visualiser (à vérifier après la naissance)."
Je ne m’attendais bien sûr pas à cette nouvelle surtout à déjà 7 mois passés de grossesse. Pour moi la grossesse étant spontanée, elle ressemblerait à celle de Loan, normale et « solide » jusqu’au bout. Je me retrouve abasourdie, sans voix ni même de réaction. Deux jours plus tard, j’ai ma consultation chez mon médecin traitant qui me suit. Je lui rapporte cette échographie et notre inquiétude quant à ce rein peut être malformé. Me voyant inquiète, elle me propose de se renseigner et me rappelle la semaine suivante. L’échographe a confirmé que pour lui il y avait malformation vu que le rein était peu visible et la position du bébé ne semblait pas en être la cause. Ouvert à une nouvelle consultation, j’ai à nouveau rendez-vous quinze jours après cette dernière échographie. En attendant cette date, je me renseigne une nouvelle fois sur internet afin de préparer mes questions. J’apprends que cette malformation n’est probablement pas héréditaire mais congénitale. Néanmoins je ressens déjà un élan de culpabilité… Pour Inès et Manon, la médecine nous avait aidés à forcer Dame nature après deux fausses couches et plusieurs échecs, le résultat avait été une grossesse gémellaire biamniotique monochoriale compliquée d’un syndrome transfuseur-transfusé qui aurait bien pu leurs coûter la vie. Aujourd’hui, nous n’avons pas forcé la nature mais peut être aurais-je dû comprendre que mon ventre n’était pas tout à fait « rond » ou du moins qu’il ne tourne pas « rond »… J’apprends également que cette malformation est fréquente, souvent due une mauvaise évolution du bourgeon urétéral et consiste en une grappe de kystes. Heureusement dans 80% des cas l’autre rein est normal… A la naissance ce rein malformé a souvent totalement disparu et laisse donc place à une agénésie rénale unilatérale. Pourvu que ce rein unique soit complètement normal et qu’il puisse assurer seul une bonne activité rénale!!! Bien que le bébé se développe normalement, la valeur du rein unique ne peut être jugée qu’après la naissance car in utéro la maman effectue elle-même un travail de filtration du sang à travers le placenta. Contrairement à ma grossesse de nos aînées, je sais donc que notre puce va bien tant qu’elle est dans mon ventre et que nous aurons beaucoup plus de réponses à la naissance quant à son état de santé... A travers les témoignages sur internet, je retrouve les mots « kystes », « dilatation », « reflux » mais n’en comprends pas vraiment les enjeux. Quels sont également les risques liés aux infections urinaires ? Quel est le nom de ce mal ? « syndrome de Potter », « agénésie rénale », « rein pelvien » ? De quoi s’agit –il exactement dans le cas de notre fille ? Est-on sûrs qu’elle n’a pas d’autres malformations ? Doit-on soupçonner une autre maladie ?... J’attends surtout notre prochain rendez-vous avec l’échographie pour avoir plus de détails sur l’état de ce rein droit. Je voudrais à partir de là connaître l’éventail des scénarii possibles à la naissance. J’ai conscience que le corps médical ne fonctionne pas ainsi, il préfère informer les parents au fur et à mesure des événements. Ce qui correspond finalement au tempérament de Cédric : appréhender les choses au fur et à mesure, lorsqu’elles se présentent sans perdre d’énergie à vouloir anticiper des évènements qui n’auront peut être jamais lieu. Je fonctionne autrement. Je n’ai pas besoin de me préparer au meilleur mais j’ai besoin de me préparer aux difficultés, de les connaître, de savoir qu’elle devra être la ligne à tenir de manière à me situer rapidement dans cette échelle et de réagir comme il le faut et rapidement. Je n’aime pas avancer dans le présent en étant aveugle sur l’avenir. A priori, à la naissance l’enfant au rein unique subit plusieurs examens qui donnent un début de réponse quant à la qualité de cet organe vital (échographie, dosage de créatinine) mais c’est après plusieurs mois que l’appréciation s’affine (éventuellement aussi avec une scintigraphie rénale). Mon éventail de possibilités me semble pour l’heure d’aller de un rein sain accompagné d’un rein plus ou moins malformé ou dysfonctionnel à un rein unique dysfonctionnel qui nécessiterait alors une prise en charge importante (dialyse ? greffe ?) voire même ce problème de rein accompagné d’autres maladies.
Evoquer ces cas noirs et extrêmes me fait du bien, bien que ce soit dans la douleur. Cela me permet de régler cette idée de culpabilité en l’exprimant et de sentir mes vraies joies dans cette naissance. Une discussion avec ma sœur à ce sujet m’a d’ailleurs permis dans ce sens d’entendre ces mots que j’ai trouvés si réconfortants et fortifiants : « ta puce est venue toute seule dans ton ventre, ce n’est pas toi qui l’a décidé et si elle est là c’est qu’elle mérite de vivre[…]. Quelque soit son état de santé, elle sera certainement plus forte que vous, ses parents ![...] Handicap ou pas, elle ne connaîtra que ça depuis sa naissance et sera certainement heureuse de sa vie, avec l’insouciance de son âge et sa joie de vivre d’enfant. La qualité d’une vie de ne se juge pas par sa longueur mais sur le bonheur vécu », etc. … Je me répète ces idées et phrases qui me semblent pouvoir être un bon bouclier dans les épreuves.
J'arrive sereine chez l'échographe pour cette dernière entrevue. Il confirme l'hypoplasie ou agénesie rénale unilatérale (rein droit). Il se veut très rassurant, apparemment notre puce n'a pas d'autres malformations visibles à cette échographie. Le système urinaire (vessie et rein gauche) semblent de taille normale et fonctionnent. Il nous reste à attendre la naissance pour confirmer tout cela. Je refais un petit tour sur internet, on y parle de malformation génitale associée et d'hypertension, sujets à aborder à sa naissance peut être...
Le 8 février 2009 : Nous fêtons les 2 ans d’Inès et Manon. Cela fait un an que nous avons emménagé à Laval en Mayenne. Nous décidons de prendre rendez-vous au service PMA de Rennes, je ne suis pas encore complètement convaincue de vouloir reprendre des traitements aussi lourds et qui nous exposeraient au risque d’un parcours encore aussi compliqué. Peut-être existe-t-il d’autres possibilités ?...
Nous sommes fin Mars lorsque je m’interroge sur différents symptômes : je me sens très fatiguée, j’ai quelques écœurements et surtout j’ai un retard de plus de deux semaines… Je me décide à faire un test, un midi.
- « Il faut attendre combien de temps maintenant avant que ça réagisse ? » me demande Cédric.
- « pas besoin d’attendre j’ai déjà la réponse ! »
-« ah bon ? tu as des saignements ???? »
-« non, c’est déjà super positif, ça a viré tout de suite !!!! »
Ma grossesse se passe aussi naturellement que la conception. Nous annulons nos rendez-vous sur Rennes. Bien sûr nous étions les plus étonnés de cette nouvelle. L’entourage est toujours plus confiant. Inès et Manon ont dû me « réparer » mon ventre. Nous sommes ou étions infertiles et non stériles, c’était donc possible, il nous aura fallu une grossesse et deux ans pour que ça nous arrive. Ayant eu une césarienne, il faudra laisser le travail se faire et on ne pourra pas m’accélérer les choses. J’espère pouvoir accoucher par voie basse, je ne voudrais pas passer à côté de cette chance.
Loan est né le 16 novembre 2009. Quel moment magique ! J’ai accouhé à 7h40 du matin, un lundi, seule avec Cédric et la sage-femme. Une expérience inoubliable. Inès et Manon sont ravie d’avoir un petit frère, petit homme de 4kg ! Lui aussi a certainement affiné le travail de réparation de mon ventre pendant ces neuf mois car lorsque nous lançons le projet fou d’un quatrième bébé, nous réussissons tout de suite ! Elsa devrait naître en juin 2011, cette fois à Limoges où nous installons pour plusieurs années… Quatre enfants en quatre ans et quatre mois… Quatre enfants pour mes 35 ans et nos dix ans de mariage… En ces temps modernes où l’on calcule l’arrivée des enfants, la vie –en tous les cas en ce qui nous concerne- nous aura toujours surpris. Ce n’est pas évident de toujours y croire, moi-même je n’y ai pas cru et pourtant…
Nous abordons
le 5e mois de grossesse et sommes rapidement orientés vers l’hôpital
de Poissy à Paris. Le Professeur Ville nous reçoit avec toute son équipe et
constate effectivement un retard de croissance pour Inès qui pourrait être dû à
son cordon vélamenteux (mal inséré dans le placenta). N’étant pas sûr qu’il
s’agisse du STT et l’opération présentant un risque d’environ 30% de perte des
deux bébés, le professeur nous renvoie à Dijon et prévoit une écho de
surveillance hebdomadaire. Nous avons l’occasion de rester sur Paris chez des
amis de mes parents et proposons que ce suivi ce fasse avec lui, ce qu’il
accepte tout de suite. Au bout de 15 jours, le syndrome est diagnostiqué de
manière formelle, tous les signes sont là. Je suis opérée l’après-midi même. Le
professeur Ville en profite pour faire une amniosynthèse bien qu’il n’est pas
du tout inquiet à ce sujet : « le test que vous avez fait n’a aucune
valeur ! ». Cédric est présent à l’opération. Je suis sous anesthésie
locale et nos filles également un peu « endormies ». L’intervention,
sous contrôle échographique Doppler, consiste à passer un laser et une fibre
optique en perçant la poche amniotique de Manon et de cautériser tous les
vaisseaux sanguins du placenta présentant un flux partant du cordon d’Inès à
celui de Manon. Mon placenta antérieur ne facilite pas les choses… Les
premières 48 heures sont cruciales. L’opération se passe bien. Deux heures
après nous avons une première écho. En m’allongeant sur la table d’examen je
ressens de vives douleurs. Cédric craint une fausse couche mais les douleurs
viennent de mon épaule. Je ne supporte que la position assise, bien
droite : du liquide amniotique se serait répandu dans mon corps et
s’évacue naturellement par les épaules… L’écho montre que tout va très bien,
Inès a déjà commencé à reproduire du liquide amniotique et sa vessie est à
nouveau visible. Je suis hospitalisée trois jours, Cédric peut rester dans ma
chambre sur un lit de camp. Nous sommes confiants : nous avons une chance
sur trois de sauver nos deux filles, 1 chance sur trois d’en sauver une… La
nuit est difficile. Nous sommes angoissés et je souffre de l’épaule, seule la
position assise bien droite me convient. Je refuse de prendre des calmants, je
ne veux pas y soumettre aussi Inès et Manon. Cédric tente de récupérer sur son
lit de camp, veillant sur moi du coin de l’œil. A la sortie de l’hôpital, nous
prenons nos valises et restons une semaine de plus sur Paris, chez une amie.
Nous quittons Poissy avec un suivi écho hebdomadaire et une césarienne prévue à
7 mois ½ de grossesse.
Le plus dur
semble passer. Tant que nous ne tiendrons pas nos filles dans nos bras, chez
nous, nous serons dans l’incertitude. Néanmoins nous le vivons bien, heureux de
la chance que nous avons de pouvoir devenir parents. Toutes les semaines,
Cédric se libère de son travail pour m’emmener et assister à l’écho faite à
l’hôpital de Dijon. Nous pouvons suivre pas à pas l’évolution de nos filles.
Elles vont bien. Je ne quitte mon lit que pour me laver. Nous sommes heureux.
Les fêtes de
fin d’année sonnent mes six mois de grossesse. Nous les passons à l’hôpital,
pendant dix jours je suis une cure visant à stopper de fortes contractions.
Chaque jour qui passe est gagné. J’espère tenir jusqu’aux 7 mois ½… Dorénavant
Inès et Manon sont « viables » : nous commençons les achats,
poussettes, lits, premiers bodies et pyjamas… Le 7e mois est le plus
rassurant, si ce n’est le stress que nous engendre le désaccord médical entre
Poissy et Dijon. En effet, l’hôpital de Dijon nous fait part de sa volonté de
laisser poursuivre ma grossesse et envisage, pourquoi pas, un accouchement par
les voies basses. En contact avec Poissy grâce à internet, nous avons
confirmation que cela serait très dangereux : tout le travail de
l’opération pourrait s’anéantir à tout moment et nous pourrions perdre nos
filles. Poissy nous propose de faire la césarienne. Finalement,
Cédric décroche un rendez-vous à l’hôpital de Lyon Sud, non loin de nos parents
respectifs. Là, nous rencontrons une équipe médicale très accueillante qui nous
organise une césarienne, en accord avec Poissy, pour la semaine suivante, soit
à 34 semaines d’aménorrhée. Une nouvelle cure de corticoïde permet aux poumons
d’Inès et Manon de se préparer, leur état respiratoire étant notre seul sujet
d’inquiétude. Ne pas avoir Cédric à mes côtés pendant la césarienne m’angoisse.
On me montre chacune de nos filles rapidement, au dessus du rideau qui sépare
ma tête de mon corps, et on les emmène dans la salle d’à côté où les attendent
impatiemment les pédiatres et le papa. On me les ramène le temps d’un bisou,
encore une fois très rapide, et elles sont immédiatement mises en couveuses.
S’en suit un mois en service de néonatologie et que du bonheur. La nature
aurait bien eu tort, elles sont si belles… Je découvre ces petits visages et
corps tant attendus. Je réalise qu’Inès et Manon auraient pu sortir d’un autre
ventre, cela n’a finalement peu d’importance. Ce sont nos filles. Je ne cherche
pas de ressemblances avec Cédric ou moi, je veux simplement mémoriser le
moindre détail de leur visage. Il m’aura fallu faire l’expérience de
l’accouchement pour me sentir prête à adopter. L’idéalisation de l’enfant
biologique et de la grossesse tombent.
Ce mois en
néonatologie nous permet d’apprendre les bons gestes pour s’occuper d’elles. Je
profite de mes dernières vraies nuits de sommeil… Les autres enfants du service
me paraissent encore plus petits qu’Inès et Manon. Nous croisons régulièrement
des parents en pleurs, l’inquiétude règne sur ces petits êtres, leur vie paraît
si fragile. Quinze jours avant ma césarienne des petites jumelles sont nées
dans ce même hôpital, souffrant également du syndrome transfuseur-transfusé,
l’une d’elles et décédée. Nous communiquons peu avec les autres parents, les
murs parlent à notre place par les photos et messages que d’anciens patients
ont envoyés, témoignant de la bonne évolution de leur enfant.
Une grossesse alitée, une césarienne, je me
sens un peu volée et souhaite les allaiter. L’allaitement de jumelles
prématurées n’est pas chose facile. Tout d’abord, le tire-lait mis à ma
disposition dans ma chambre de maternité était défectueux, de plus je n’ai pas
eu mes filles posées contre –moi avant leurs 48 premières heures : la
montée de lait a mal débuté. Ensuite elles sont trop petites pour avoir la force
de téter et en étant en couveuses je ne peux pas les mettre régulièrement au
sein. Je m’entête dans cette voie pendant quatre mois : je les mets
chacune à leur tour dix minutes au sein puis leur donne un biberon de lait
pré-tiré avant d’allumer mon super tire-lait électrique qui nous fait
d’avantage penser à un camion signalant sa marche arrière par un gros BIPBIPBIP.
La séance dure soixante à quatre-vingt-dix minutes, je n’ai plus qu’une à deux
heures avant de recommencer. Nous sommes épuisés et facilement irritables. Les
nuits se font sur le même rythme. Ces premiers mois nous chamboulent et
déconcertent. Nos louloutes ont quatre mois lorsqu’elles commencent à dormir
huit heures d’affilée et cinq mois lorsque j’arrête définitivement de les
allaiter. Nous récupérons rapidement en sommeil et prenons enfin du recul sur
ce grand bonheur. Ma vie est repartie sur le mode lecture. Nous décidons d’en
profiter et de bénéficier du congé parental. La vie est belle pour moi et je
n’en ai pas honte. Avant leur naissance, les épreuves étaient toujours une
occasion de se prouver combien on s’aimait. Aujourd’hui, Cédric n’est pas le
seul à me rendre heureuse. Même petite, j’entendais « je t’aime »
essentiellement dans les moments pénibles : des mots de réconfort pour ne pas
oublier le principal. Aurais-je, inconsciemment bien sûr, provoquer ces
difficultés pour créer un contexte où je pouvais être aimée ? Désormais
j’apprends à le dire, le sentir, sans culpabiliser de ce bonheur et même dans
les bons jours.
Avoir d’autres
enfants ? Nous y songeons. Nous avons encore énormément d’amour à donner.
Sommes –nous prêts à déplacer des montagnes alors que le bonheur s’est déjà
installé chez nous ? Pour ma part, être enceinte, avoir une grossesse et
un accouchement normaux me font encore rêver… Les FIV ICSI seraient mieux
vécues car moins d’angoisse et sur un plus court terme : l’on se donnerait
qu’une seule année, une seule tentative (complète s’il le faut). Plusieurs
questions se posent tout de même: sommes –nous prêts à revivre la lourdeur
des traitements ? Avec deux enfants, si cela marche du premier coup, quel
devenir offrir aux embryons qui ne seront pas utilisés ? Les
« offrir » à un couple, en faire don à la médecine, les détruire sont
nos uniques possibilités. Et si nous essuyons que des échecs : nous aurons
déployé beaucoup d’efforts notamment en termes d’organisation (il faut aussi
gérer Inès et Manon) pour rien ! Notre désir de « parentalité »
étant comblé, est-il raisonnable de se confronter à nouveau à ces
questions ? Reste l’adoption. Cet
enfant imaginaire a toujours sa place dans ma tête, c’est lui qui m’a fait
tenir. Cependant, cette décision engage désormais aussi Inès et Manon… Un
enfant adopté, face à des jumelles qui plus est biologiques ? Une solution
serait d’adopter deux enfants. Avons-nous encore de l’énergie pour un tel
projet ? Et puis zut, je suis tentée de croire qu’un ou deux ne
déterminent pas la réussite de l’adoption, les clefs sont entre nos mains, tout
réside dans l’éducation que l’on donnera. Renoncer à une seconde grossesse, une
grossesse tout ce qu’il y a de normal, avoir eu des jumelles biologiques et
peut être adopter : les trois fins que j’avais envisagées pourraient être
réunies en une seule… En ce qui concerne l’adoption, l’absence de traitement,
le sens unique et inédit pour nous de cette aventure, l’idée de boucler la
boucle en donnant la place faite dans ma tête et cœur à cette petite fille,
sont autant de motivations qui me font croire que la longueur et la difficulté
de ce parcours peuvent devenir vivables… Néanmoins ce projet doit se réaliser à
deux et dans notre cas, Cédric n’est pas du tout partant.
En tous les
cas j’ai enfin la réponse à l’une de mes questions : je n’aurais pas été
épanouie sans enfant. Inès et Manon donnent effectivement déjà tout le sens à
ma vie. Si cette expérience peut servir à quelqu’un alors la vie aura bien fait
les choses et je ne regrette rien de ce que l’on a vécu. Nous parlons à Poissy
de créer une association de parents concernés par le syndrome transfuseur –
transfusé mais finalement nous nous orientons vers la mise en place d’un blog
et je mets en forme ces quelques pages que je souhaite faire lire à mes enfants
plus tard.
Je
me sens plutôt jeune même presque « gamine » comparée à d’autres
« femmes » de mon âge… Cependant je m’aperçois que nous sommes le
dernier couple de nos amis à ne pas avoir d’enfants et surtout le nombre trente
qui s’approche et un nombre rond qui appelle en tant que tel à faire le point
sur les années précédentes.
Dans
mon obsession du temps qui passe, ma référence n’est pas vraiment mon âge qui
augmente mais surtout le nombre d’années passées depuis notre mariage dans ce
fol espoir d’avoir un bébé. Voilà 4ans et demi que nous avons lancé le projet
et que nous essuyons les échecs. Sans compter que si nous devons nous lancer
dans l’aventure adoption nous en aurons encore pour quelques années à attendre…
Cela me fait du bien de me dire que d’ici environ fin 2007 les traitements
toucheront à leur fin car j’éprouve l’envie de bientôt passer à autre chose.
J’étouffe dans ce climat de FIV. Mon envie de respirer ose concurrencer ma
volonté de réussir ces traitements. »
Bref,
je suis dans une impasse : nous ne voulons pas entamer dès aujourd’hui le
processus d’adoption. On y pense, de plus en plus mais il faut être
réaliste : on n’est pas prêts, nous n’espérons plus grand-chose des fiv
(pas très motivés par les prochaines tentatives) et je supporte de moins en
moins bien cette absence dans notre foyer. Alors que faire ?
Ma
confiance en nos chances, ma détermination dans ces traitements me manquent
pour vivre correctement les prochains tec.
J’ai
eu mes règles au bout d’un cycle de 40 jours ! Nous pourrions recommencer
un tec en février mais nous avons décidé de partir en vacances à la neige
pendant une semaine. Et le mois de Mars est compromis par un voyage scolaire en
Espagne (avec 12 heures de bus aller puis retour).
Au lieu de me remotiver pour retenter ma chance avec
un tec j’ai plutôt envie de tout abandonner. Je ne ressens plus de colère comme
auparavant (quand j’avais de l’espoir frustré) mais vraiment de la tristesse. Un jour
un psy m’a expliqué que la colère était dû à un désir de changement alors que
la tristesse était liée à une perte : peut être donc que je ressentais de
la colère car j’espérais être enceinte et changer cette malédiction,
aujourd’hui je suis triste car je prends conscience que je perds petit à petit
cette chance de procréer. Je passe de la détermination à faire ces derniers
traitements à de la résignation pour ne
pas avoir de regrets.
Je crois que le moral est là même si
ce n’est pas la grande fête ! Les jours filent et je me concentre sur le
quotidien. Pour le reste, je fais un peu l’autruche! Je me suis simplement
renseignée sur l’hôpital américain à Paris au cas où je me décide à prendre rendez-vous
dans les prochains mois.
Récemment
j’ai rêvé que j’avais un bébé (une petite fille) avec de magnifiques yeux
noisettes, toute souriante et à laquelle je faisais plein de mimis. J’aime
dormir, ma vie est souvent plus belle dans mes rêves, là tout est possible…
Même au travers de ce rêve je sens que l’idée de l’adoption fait son chemin. Je
suis de plus en plus convaincue d’être prête à me donner tous les moyens pour
connaître un jour ce bonheur, le plus dur étant là encore la patience.
Puis,
de retour chez nous après un week-end passé en famille, un grand moment
d’émotion me submerge: Cédric me propose de finir nos TEC (10 embryons au CHU de Dijon) cette année
et en cas d’échecs demander l’agrément en vue d’adoption début 2007 (quitte à
consulter entre temps des médecins de l’hôpital américain à Paris et même de
faire notre dernière FIV avec eux en attendant d’obtenir l’agrément). J’ai
l’impression qu’il me demande en mariage ! Je ressens comme un
soulagement, je me sens délestée… Un dénouement se profile. Je suis comblée de
ce déclic, je ne m’attendais pas à un tel revirement de sa part. Et c’est dans
ce contexte que je commence à préparer notre prochain TEC : je prends du
lutéran en espérant rendre mon endomètre plus fin et des vitamines (dont de l’acide
folique). Le traitement avance vite et l’espoir renaît, je me sens en
confiance : tout est réunit pour réussir. Il me semble que toutes nos
difficultés médicales à procréer ont une réponse et donc je me surprends à être
très confiante dans le résultat.
C’est
le printemps. Endomètre à 13mm (la normale d’après internet et de 9mm au 12e
jour cependant en phase ovulatoire ce serait entre 12 et 14mm), un follicule
sur chaque ovaire, la sage –femme pense que je suis peut être en train de
commencer à ovuler. Le déclenchement est prévu ce soir à 18h30 par injection
sous cutanée d’ovitrelle : prise au dépourvu, je rentre rapidement chez
moi dès la fin des cours à 17h pour prendre dans le frigo l’ovitrelle, je cours
à un rendez-vous de parents à 17h15 puis s’en suit un conseil de classe de 18h
à 19h d’où je m’éclipse sans rien dire pour me faire la piqûre dans la salle
d’à côté, le plus discrètement possible. La semaine est chargée, je finis tous
les jours à 20h30 … Je n’ai pas l’habitude et je déteste être speedée ! Le
fait d’être pressée et de tout faire dans l’action, rapidement, me donne un
mauvais pressentiment. Et pourtant je n’y peux rien, la semaine se termine sur
le même rythme : vendredi, jour de ma prise de sang à 7h30. Contre toute
attente, le transfert n’a pas lieu samedi comme je l’avais compris en début de
semaine mais le jour –même : il faut vite s’organiser avec nos employeurs
à la dernière minute ! Cédric a pu m’accompagner et nous découvrons les
nouveaux locaux du CHU. Je m’empresse de boire alors que les autres patientes
résistent difficilement avec leur vessie pleine… Ce n’est pas le professeur S
qui nous accueille mais une jeune doctoresse. Ma vessie n’est pas assez pleine,
après quelques secondes d’hésitations la doctoresse ne nous renvoie pas en salle
d’attente mais nous tend une écho du transfert de trois embryons sur
quatre décongelés. Il nous en reste donc trois pour un dernier TEC.. Ce sont
les premières FIV avec un seul embryon transféré pour les deux femmes allongées
à côté de moi. Au bout des trente minutes de repos, je rejoins Cédric, le
dépose au travail et je décide de passer à la pharmacie pour renouveler mon
stock de vitamines et du kardégic160 bien que la sage –femme m’ai dit « la
paroi utérine est bonne, pas besoin de compenser »- le lutéran que j’ai
pris au cycle précédent semble avoir fait plutôt effet. Ce n’est peut être pas
bon de s’auto médicaliser mais ce sont de faibles doses, ce ne peut pas me
faire du mal.
Reste
plus qu’à attendre…. Je rentre à la maison il est 15h20. Prise de sang le 7
Avril..
Ces quinze jours sont encore une fois bien longs. Je
suis perturbée par ce sentiment que le résultat va être positif… Cédric est
parti en déplacement et j’hésite à faire un test … Aujourd’hui je suis
confiante et j’ai l’impression que je pourrai attendre jusqu’à la prise de
sang. Il faut que je sois patiente !
Entre temps, la sœur de Cédric nous appelle et me
demande d’être la marraine de sa fille qui devrait naître en juillet. Je suis
très touchée et je me réjouis.
Il nous reste deux jours à attendre, je me réveille à
7h30, je traîne un peu dans le lit puis je me décide à me préparer pour aller à
la pharmacie refaire le plein de estimagé et surtout acheter un test… J’ai un
doute : une tâche, serait-ce du sang ?... De retour à l’appartement,
le test est rapide et sans appel : négatif.
Encore…
Négatif : encore une claque, je me prends de nouveau notre infertilité en
plein visage.
Je
ne comprends pas : j’étais tellement confiante pour une fois, j’y croyais,
pourquoi ???? Je me sens bien dans ma tête, j’ai fait tout ce que j’ai pu
pour parer à mes différents problèmes, pourquoi ??? La fin se rapproche et
je ne vois pas ce qui pourrait nous faire réussir désormais. Sur un coup de
tête, j’appelle l’hôpital américain de Paris et je suis surprise que l’on me
propose des rendez-vous si tôt, pressée mon interlocutrice insiste pour que je
me décide : je prends rendez-vous pour dans 15 jours, Cédric sera –t-il
d’accord et libre ? Voilà ma toute dernière chance et petite chance :
un nouveau diagnostic qui pourrait m’expliquer pourquoi nous n’y arrivons pas.
Je ne comprends pas : deux fausses couches dont une à deux mois, ça veut
bien dire que ça peut marcher ! Pourquoi n’y a –t-il pas
d’amélioration ???? Trois transferts d’embryons frais et quatre de congelés
(d’où seize embryons !!! sept chances !) : je ne crois pas au
hasard ni à la malchance ! Que se passe - t - il ? Qu’avons
–nous ? On ne sait pas tout ? Nos problèmes sont encore plus
vastes ? Comment se résoudre à l’idée de ne jamais porter notre enfant ?
Je
fais les comptes : 1ère FIV ,1er TEC, 2e
TEC ça ne marche pas du premier coup, moins de chance aux TEC, ok. Le point
positif est que la production d’embryons est très bonne.
Seconde FIV avec lutéran
avant : grossesse jusqu’à deux mois, TEC : grossesse de quinze jours.
On dirait que quand mon endomètre est moins épais ça se passe mieux… Mais les
embryons sont peut être plus fragiles.
3e FIv,
endomètre épais (on n’a rien fait contre), un échec qui s’explique, les
conditions étaient les mêmes qu’à ma 1ere FIV… Mêmes résultats.
TEC :
les embryons sont de bonne qualité, j’ai pris du lutéran pour un endomètre
normal, de l’acide folique et kardégic pour éviter la fausse couche.
Echec : pourquoi ???
Ce
qui me désespère le plus est que ce résultat m’affecte plus que je ne le
voudrais. Ai-je vraiment mûrie autant que je le pensais sur ce sujet ? Je
voudrais être prête à renoncer, m’y préparer, ne plus souffrir du tout :
impossible tant que nous ferons des traitements source d’espoirs. La douleur
est certes moins grande mais j’aimerais tant qu’elle disparaisse, que mon
esprit ne soit plus du tout torturé par cette infertilité, par cette stérilité
même quand elle me revient comme cela en pleine face… J’en ai marre, je suis
lasse de vivre ces échecs, j’ai hâte que nous tournions la page. Je veux aller au
bout des traitements pour ne rien regretter, tout savoir, pourtant mon
enthousiasme s’amenuise avec mon espoir. Allez, courage encore un an ? Un
an et demi ? Puis ça en sera fini des traitements ! Je crois que
c’est ça le fond du problème : je commence à accepter de ne jamais arriver
à cet objectif de maternité mais les traitements et les échecs associés me
replongent dans l’incertitude. Vivement demain que j’oublie un peu ces trois
petits embryons qui ne se sont pas accrochés…
Je
pense beaucoup à cet enfant qui ne serait pas né de mon ventre. Je lui fais de
plus en plus de place dans ma tête. Quoique m’offre ce ventre, cet enfant est
là, je commence à lui donner de plus en plus de sens. Il m’a rejoint et me suit
dans ce parcours. Irais-je au bout de cette aventure vers lui ? Petit à
petit il vient se loger également dans mon cœur. Il se fait une place bien à
lui… En attendant ? Pour cet enfant-là, c’est une place qui ne dépend que
de moi (?)…
Cédric est revenu de son déplacement sur Paris et m’a
aidé à accepter ce nouveau résultat décevant. Il est partant pour l’entretien à
l’hôpital américain. De plus la pluie a laissé la place au soleil alors mon
moral suit ! Je ne comprends toujours pas et n’accepte pas que nous
puissions ne pas arriver à enfanter sans avoir d’explications mais mon
quotidien me plaît et je me raccroche à cet enfant que je suis sûre de
connaître un jour. Je suis heureuse et agréablement surprise que le rendez-vous
à Paris soit si rapide, j’ai espoir que
la suite se fasse aussi vite… 2006 serait –elle la dernière année de nos échecs
en FIV ???? Peut être encore trois échecs à essuyer – le dernier sera sans
doute le pire- avant de clore le débat.
Le plus gros est fait.
La collègue qui m’avait renseignée sur l’hôpital
américain a vu juste : le médecin a analysé tout ce que l’on lui avait
apporté. Nous l’avons trouvé très clair, rapidement il nous a donné son
diagnostic et même si rien n’était une révélation (plusieurs mots étaient dans
les rapports d’opérations), il a été beaucoup plus précis et nous a décrit
explicitement nos différents problèmes qui nous empêchent de procréer. Il a
évoqué mon hyperplasie, mon endométriose, mon stroma qui transformerait mal mes
hormones, etc… C’était beaucoup plus complet que ce que nous avions déjà
entendu. Il m’a prescrit deux petits examens sanguins (un concernant le glucose
et l’autre hormonal) et nous a invités à le revoir dès que nous aurons les
résultats et fait notre dernier TEC, c'est-à-dire début juillet normalement. A
priori il nous propose de faire notre 4e FIV dans son hôpital et
pense pouvoir nous aider : il n’a pas arrêté de nous dire que nous étions
jeunes et que nous devrions persister. Cependant, j’espère que si cela ne
marche pas, nous n’aurons pas retrouvé trop d’espoirs car cela peut vite
devenir un gouffre financier (nous avons eu les prix de 3 à 6 mille euros par
tentative) et je ne tiens pas a prolongé ce parcours du combattant trop
longtemps alors que nous commencions à envisager la suite…
Nous
nous sommes un peu plus rendus compte du déséquilibre au niveau de la gestion
des FIV à la sécurité sociale entre Paris et la province : en province
c’est quatre FIV un point c’est tout, à Paris tout reste à voir. Néanmoins les
choses changent et à Paris aussi ils vont être de plus en plus limités. Je
crois qu’il ne serait pas contre de continuer les FIV avec nous (à condition
que l’on finance entièrement bien sûr !).
Une semaine plus tard, nous nous
retrouvons à Toulouse, l’été est bon. « Je vous laisse un quart d’heure,
je vais chercher mes résultats au labo ». Abandonnant Cédric avec ma sœur
et mes neveux que nous venons d’emmener au cinéma, je traverse un long pont et
je m’interroge encore une fois sur ma capacité à aimer un enfant adopté. Ce
petit garçon que m’a présenté ma sœur avant la séance paraît heureux, sa mère
adoptive dépassée. Il serait hyperactif.
« C’était bien pour un contrôle ? »
« Un contrôle ?... Disons
pour vérifier que c’est encore une fois négatif et que je peux donc commencer
un autre traitement. »
« Ah non…Alors c’était le
premier test. il va falloir prendre rendez-vous pour des
contrôles ! »
« Pourquoi c’est positif ????! »
« Oui, madame. »
Je suis sous le choc et la laborantine n’a pas de mal
à s’en rendre compte. Je suis en pleine confusion, je ne sais plus si je viens
de la payer, je pars sans reprendre ma cart e bleue, je suis perdue ! Je
retraverse ce pont pour rejoindre Cédric avec un état d’esprit totalement
opposé à celui de tout à l’heure. Je suis euphorique. Cédric devine tout de
suite ce qu’il se passe. Mon taux de béta-HCG est haut. La prise de sang
suivante, trois jours plus tard, est un nouveau choc : le taux a
triplé ! Et si les deux embryons avaient pris ? Nous arrivons assez
vite à l’écho du premier mois. Nous apprenons alors que nous attendons des
jumeaux ou jumelles et qu’il s’agit certainement d’homozygotes, dits vrais
jumeaux. L’image de l’écho fait même apparaître trois embryons, seul un n’a pas
de rythme cardiaque. Etait-ce des triplés ? Est-ce l’acide folique qui
aurait favorisé la division d’un des deux embryons ?
Les
vacances se poursuivent et nous arrivons dans la maison familiale du Lot à
l’approche des huit semaines de grossesse. Je redoute ce cap que je n’ai encore
jamais franchi. Je ne suis pas si étonnée de découvrir une petite tâche de sang
au petit matin. Pourtant, nous y croyons encore, on espère que ce n’est qu’un
décollement du placenta comme il est arrivé à une amie quinze jours auparavant.
Nous annonçons à mes parents que je suis enceinte de moins de deux mois et
Cédric m’emmène donc aux urgences de l’hôpital de Brive où nous patientons une
heure avant d’être rassurés par une écho : il s’agit bien d’un
décollement. Je suis alitée et coincée dans le Lot. Nous ne voulons prendre
aucun risque avec un trajet trop long. Cédric prévient ses parents par
téléphone. Après 15 jours de repos forcé, je consulte à nouveau dans une
clinique de Brive afin de nous rassurer avant de faire les huit cents
kilomètres qui nous ramèneront chez nous. Le décollement est toujours présent à
l’écho, le médecin se veut rassurant mais s’y prend mal. Selon elle, si la
grossesse ne tient pas 800 km à 2 mois de grossesse, il vaut mieux qu’elle s’arrête tout de suite ! Je
suis prête à faire le légume pendant 9 mois s’il le faut ! Je rentre donc
en train et devant le même discours du gynécologue de l’hôpital lors de la
visite des 3 mois, je décide de consulter mon médecin traitant qui m’arrête
pour 2 mois. J’ai toujours des saignements et au cours d’une visite aux urgences
nous comprenons qu’il s’agit depuis le début d’un placenta praevia (situé en
bas, près du col de l’utérus). Je continue de rester alitée afin que le
placenta remonte doucement.
Loin d’être une grossesse sans rebondissement, nous
abordons le 4e mois avec le soupçon d’un syndrome transfuseur
–transfusé, appelé STT, et un risque de trisomie de 1/23. Ce syndrome ne se
produit que dans le cas des grossesses gémellaires mono-choriales
bi-amniotiques. Autrement dit lorsque les bébés sont dans des poches différentes
mais partagent le même placenta. Chaque bébé au travers de son cordon construit
un réseau sanguin dans ce placenta et dans le cas du syndrome transfuseur –
transfusé, les deux réseaux se rejoignent. Un bébé « donne » alors
son sang (transfuseur) à l’autre bébé (transfusé). Le bébé receveur peut se
fatiguer au niveau cardiaque et le bébé donneur se développe de moins en moins.
Deux des signes est une prise de poids de la mère rapide et un déséquilibre au
niveau du liquide amniotique présent dans les poches, le bébé receveur baignant
dans une grande « piscine » et le bébé donneur se retrouvant coincer
dans une poche presque vide… En l’espace d’une semaine nous choisissons les deux prénoms de nos filles. Nous voulons
que ces petites jumelles aient un prénom au cas où cela se passerait mal… Manon
bouge beaucoup dans sa grande poche, nous nous inquiétons d’avantage pour Inès.
Notre acharnement à avoir des enfants est –il la cause de ces risques
qu’encourent nos filles ?
Une amie va se faire
avorter. Nous étions touchés de partager une vraie discussion sur ce sujet avec
elle. Pour ma part, je trouve nos situations et choix personnels incomparables.
Son choix ne nous a pas révoltés car sa décision était mûrie. Nous voulons la soutenir,
ne pas la juger ou la
condamner. De son côté elle a ressenti l’injustice de la vie
lorsque Cédric lui avait parlé de ma fausse couche la veille de son test
positif. Nous avons parlé des symptômes que je n’avais pas enceinte alors
qu’elle les a tous. La vie est parfois mal faite.
C’est un premier
avril que Nathalie m’annonce qu’elle est enceinte. Elle a toujours cru en ce
miracle qui s’est produit le plus naturellement du monde. Je lui parlais de ma
fausse-couche quand elle est tombée enceinte, « Tomber enceinte »
drôle d’expression. Je devine le malaise qu’elle ressent vis-à-vis de
moi : il y a peu les rôles étaient inversés. Je la rassure et continue de
lui faire part de mes pensées.
D’ailleurs en ce
moment je ne suis pas en grande forme, Cédric non plus. Pour lui ce sont deux
entorses aux pieds et une contracture dans le dos. Quant à moi, j’ai des
plaques rouges qui apparaissent sur le cou et le visage. Je me mets à repenser
à ma fausse couche du mois dernier. Je l’encaisse seulement maintenant. Le
travail et un déplacement d’une semaine à l’étranger m’avait fait tourné la
page trop rapidement. Je fais une cure de magnésium et me badigeonne de
corticoïde pour venir à bout de ce psoriasis qui m’envahit la peau et fait
ressortir au grand jour mon mal être.
Il me faudra un mois
et demi pour me rétablir. Nous débutons notre dernier traitement avant la
fermeture du centre de cet été. Tout se déroule bien, Cédric me fait mes
piqûres. Ses horaires lui permettent d’être là pour me soulager de cette contrainte.
Il m’a fait deux ou trois piqûres à la dernière minute tellement nous y pensons
peu. Je ne me sens pas dans les meilleures conditions pour cette tentative, je
n’ai pas encore vraiment digéré les évènements du début de l’année. Les jours
filent et nous arrivons bien vite à la date du résultat de ma prise de sang. Je
l’ai récupéré en sortant du travail sans précipitation : 100 UI/ml j’en ai
le souffle coupé. Le résultat correspond a plus du double de ma première prise
de sang lors de ma FIV de janvier. Totalement réjouis nous partons en week-end
sans l’ombre d’une inquiétude pour la seconde prise de sang de lundi.
Ces deux jours passés
chez les parents de Cédric nous ont changé les idées. C’est reposés que nous
revenons dans notre appartement le dimanche soir. Le lendemain matin, Cédric
m’accompagne de bonne heure au laboratoire. La prise de sang effectuée, nous
prenons un petit déjeuner au salon de thé à côté comme nous en avons maintenant
l’habitude après ce genre de test. Puis nous récupérons la voiture et je dépose
Cédric à son bureau avant de rejoindre moi-même mon travail. A midi je
m’approche de la ruelle où j’avais déposé Cédric, nous avons prévu de manger
ensemble et qu’il m’informe du résultat qu’il aura récupéré par un coup de fil
au laboratoire. Cédric m’attend déjà, il est au coin de la rue, le visage
attristé. J’ai compris. 83 UI/ml : le rêve s’est encore bien vite arrêté.
Que va-t-il encore nous arriver ? Cédric est si triste. Une dernière prise
de sang donne 5 UI/ml et confirme une deuxième fausse couche, précoce celle-ci
et qui se fera naturellement telles de vilaines règles. Cédric a pris son
après-midi et m’a emmenée pique-niquer, en rentrant nous irons faire des
courses. Tout est organisé pour oublier.
« Nous n’allons
pas vous envoyer de nouvelles ordonnances en vue d’une nouvelle tentative pour
l’instant. Il faut d’abord que vous preniez rendez-vous avec le professeur dans
le but de faire le bilan de vos derniers résultats », la sage-femme que
j’ai au bout du fil me passe donc directement le secrétariat du professeur et
rendez-vous est pris pour la fin de l’été. Pour l’heure nous préparons nos
trois semaines de vacances et cette seconde fausse couche est bien vite
oubliée.
Ces quelques jours de
repos nous font le plus grand bien. J’ai encore matière à cogiter lorsque
j’entends mon frère prôner sa descendance et parler de son fils comme de
l’héritier de la famille, lui qui transmet le nom parce qu’il est un petit
garçon dans lequel coule le sang de notre lignée. Le ton humoristique de cette
allusion ne me rassure guère. Une nouvelle loi vient d’être votée où la femme
pourra également transmettre son nom, elle fera peut être évoluer les
mentalités (et compliquera la généalogie !). De passage chez nos parents,
je tombe sur des magazines féminins concernant notre sujet :
« pilule, THS… Quels sont les risques ? » et « Chéri, mon
bocal a accouché ».Le premier traite en partie de la procréation assistée
et n’est pas rassurant : risque de kystes multiples de l’ovaire,
épaississement anormal de l’endomètre, ménopause précoce, doutes sur le risque
de cancer de l’ovaire et du sein… Je passe. Le deuxième est plus caustique et
aborde les progrès et projets de la science dans le domaine des utérus
artificiels en affirmant que dans une cinquantaine d’année nous serons capable
de faire des enfants sans être enceinte grâce à une fécondation in vitro
associée à un développement de l’embryon en milieu artificiel. Dix ans en
arrière et mon expérience en PMA aurait été rapidement limitée, dix ans dans le
futur et elle aurait été certainement tout autre ! La question est
pourtant toujours la même : « et nous ? C’est pour
quand ? ».
Rentrés de nos quatre semaines de vacances, j’essaie
de me motiver pour préparer mes cours avant
la rentrée. Cédric
a
repris le travail mais difficilement ! Il a même rajouté une semaine de
congé pour retarder ce moment fatidique.
Nous
avons bien bougés pendant ces vacances, et nous retrouver chez nous, nous donne
la nostalgie…
Mais
il faut bien reprendre le quotidien.
Les
premiers jours de septembre passent et je me sens de plus en plus irritable, je
m’énerve parfois excessivement pour peu de chose. Je culpabilise d’être la plus
fragile dans notre couple et j’ai peur que Cédric s’éloigne de moi. Peut être
est-ce l’agitation hormonale de ces derniers mois ou le stress de reprendre
cette rentrée avec les mêmes échéances que l’année dernière (nouvel an avec les
amis, une fiv, un échec ? une fausse couche ?) ? Stress de la
prochaine entrevue avec le Professeur ?
Est-il bon que je ne m’ouvre à personne
d’autre que Cédric ? Mais à qui ? Je voudrais parler à quelqu’un qui
puisse me comprendre, qui ????
Je
fais des calculs : les probabilités sont de plus en plus grandes que nous
arrivions à notre but avant fin 2006 (3e voire 4e fiv…). Avant la fin de mes 30 ans ?????
Je me leurre en pensant maîtriser mon envie de vivre dans le futur, le naturel
refait surface…
J’ai
l’impression que d’ignorer nos épreuves en passant tout de suite à autre chose
n’est pas si salvateur : un jour ou l’autre il faut que je les digère. Je
vis mal de ne pas être prise par l’action d’un traitement, d’une
médicalisation, d’être en « pause ».
Nous discutons avec Cédric des prochains mois :
Si
la prochaine FIVabouti à un échec que fait-on ? Court-on encore le risque d’effets
secondaires ? Y croirons-nous encore ? Sommes –nous prêts à
poursuivre ces épreuves ? Cédric commence à se lasser. Quant à moi, je
réalise que malgré tout l’amour que l’on éprouve et les projets communs que nous avions, la vie pourrait nous
séparer si nous n’évoluons pas dans le même sens face à ce refus de la nature
de nous donner un enfant. Cédric peut évoluer vers le renoncement et moi vers
l’adoption. Soit l’un se sacrifierait soit nous nous éloignerions ou pire en
associant les deux combinaisons…. Cédric ne sait pas si notre dévouement dans
les traitements vaut son désir d’enfant. S’il en avait un, il serait heureux
mais est-il prêt à vivre tout ça encore longtemps pour vraiment en avoir un. Ne
serait-il pas de toutes les façons heureux sans enfant ? Faut-il vraiment
des enfants pour donner un sens à sa vie ? Finalement quelque part il est
peut être plus prêt que moi à être parent car il semble plus détaché et ne pas
tout rapporter à cette seule responsabilité.
Pendant
les vacances, ma sœur est allée voir une kiné- ostéopathe et m’a convaincue
d’en faire de même. Après quelques coups de téléphone je décroche un rendez
–vous avec une médecin- ostéopathe qui – selon sa secrétaire- s’occupe de
dégager le bassin pour les femmes qui suivent des traitements comme moi.
Cette
technique me laisse septique : elle n’a fait que poser ses mains sur mon
corps (ventre et diaphragme), c’est curieux. Elle pense pouvoir me libérer le
bassin qui répond bien à ses manipulations et veut me revoir pour assouplir mon
diaphragme.
« La
médecine occidentale saucissonne le corps » me dit –elle, nous sommes
d’accord !
Quant
à notre entrevue avec le Professeur S, nous n’avons aucune réelle
surprise : nous allons faire chacun un caryotype, il semble confiant en
nos chances de réussite et je vais avoir droit à une hystéroscopie (sans
anesthésie). On va sûrement faire la prochaine tentative en octobre. Le
professeur encore détendu me questionne en m’occultant : « alors
la rentrée se prépare, vous avez acheté vos petits cahiers et stylos de
couleur ? » qu’il est taquin ce docteur…
S’en
suit un week-end entre amis où nous nous sentons toujours aussi sensibles aux
vies respectives de ces derniers avec tous leurs petits bonheurs. Deux amies
parlent énormément grossesse, accouchement, en détaillant bien tout ce que l’on
peut ressentir lorsque bébé bouge, les dates préférées pour concevoir bébé
(afin d’avoir un maximum de congé). Ces paroles ont toujours autant de
résonnance pour moi, elles font échos à mon ancienne insouciance quand la vie
me le permettait encore. Lors d’un repas festif, un ami nous annonce, accroupi
près de nous, qu’il va être papa… A part ces quelques quarts d’heures pénibles,
inévitables, je suis heureuse de revoir tout le monde et je suis résolue à
passer le nouvel an entourés de ces amis dans un gîte en Bourgogne.
De
retour chez nous, nous débutons les examens médicaux qui vont s’étaler sur un
mois. Les nouvelles semblent réconfortantes : nos résultats de caryotypes
et dosages diverses ne relèvent rien d’anormal, de même pour mon hystéroscopie.
Nous commençons donc le protocole de la troisième Fiv en
octobre. Encore une fois le décapéptyl se fait en une seule prise en
intra-musculaire et m’évite beaucoup de piqûres comparé à la première
tentative. Je réussis à me faire les injections de gonal-f sans trop de
réticence. Cette année j’ai pu m’arranger avec mon employeur pour adapter mes
horaires pendant une semaine afin de pourvoir cumuler boulot et examens au CHU.
Ainsi je ne serai arrêtée que trois et non quatre semaines à compter du 14/11
(semaine prévue du transfert). Entre temps Nathalie a accouché et je suis
réellement heureuse pour elle : pour être franche cela faisait longtemps
que je ne m’étais pas réjouie ainsi d’une naissance…
Avant
même d’être en arrêt maladie, je dévore à nouveau des livres sur la procréation
et l’infertilité : « je t’attendais » de Judith Uyterlinde
finissant par l’adoption et « mieux vivre avec… une PMA » de Cendrine
Barruyer.
Le 15/11/2005
Jour
de la ponction. Je crois que ma petite salade de la veille n’était pas suffisante, il est six
heures et ce matin j’ai faim or il faut que je reste à jeun pour l’anesthésie…
il me fait drôlement envie ce jus de pomme qui est dans le frigo… Cependant je
suis en forme et je me sens très calme. Je décline la proposition des
sages-femmes de prendre de l’antharax pour me détendre, je vais bien. Ma
tension est à 10,5 au moment où l’on m’emmène au bloc à 7h40. Qu’est-ce qu’il
fait froid dans cette salle d’opération, heureusement l’équipe médical me
couvre de couvertures. Le réveil se passe tranquillement et je me sens plutôt
confortablement installée dans ce lit d’hôpital, l’oreiller est moelleux et me
fait penser au mien. On me remonte assez rapidement il est presque 10h. De
retour dans ma chambre vide, je suis bien partie pour refaire un petit somme en
attendant Cédric… Ma voisine de chambre était la deuxième ponction de la
journée, nous sommes 6 au total. Cédric sera revenu avant elle.
J’ai
faim ! La sage femme décide de nous faire mettre debout avant de nous
donner à manger : je serai capable de danser s’il fallait pour avoir droit
à mon plateau repas ! Je ne sais pas si c’est l’ostéopathie qui m’aide
mais je me sens plutôt bien. Même pas mal ! Impatiente d’avoir mon plat
chaud je bois d’un trait un bloc de jus de pomme que Cédric m’a apporté (il est
très attentif à mes désirs, j’l’adore celui-là !). Puis - enfin !- le
plateau arrive avec un steak haché, de la purée, une compote, un petit fromage,
du pain et en entrée une macédoine. J’engloutis la macédoine mais à peine les
trois premières bouchées de steak et purée avalée, je me sens mal…
« Madame, gardez les yeux ouverts ! »… Trop tard, je suis raide,
ailleurs, les yeux pourtant bien ouverts, livide. Cédric a pâli aussi.
Je
reviens à moi, tendue, je cache mon visage dans mes mains, ça y est c’est
passé, un petit évanouissement de rien du tout… Les sages-femmes en ont
l’habitude, aujourd’hui nous sommes trois sur six à être fébriles. On me remet
une perfusion (des macromolécules d’après ce que j’entends…). Maintenant j’ai
la nausée et je ne me sens bien que couchée. Mon ventre a été lesté de 5kg de
plomb et j’ai l’impression qu’il est tout contracté, je n’ose le bouger. Ma
voisine récupère plus vite que moi, comme toujours ! Cette fois j’ai fait
mon show, ma forte, mais il a fallu que je me ramasse tout d’un coup et
maintenant je me sens diminuée, fatiguée et vaseuse. Je tente de prendre la
position debout par étape, très lentement… en fait pendant deux heures… Enfin,
je peux aller au cabinet de toilettes me rhabiller. Je marche courbée comme une
mamie de 80 ans (dixit ma joyeuse sage-femme). Vient le moment des
résultats : 14 follicules ponctionnés dont 11 ovocytes mûrs et 11
injectés. 11 !!!! waouh !!! 11 !!! Environ 5 transferts ?
Nous en aurions pour un an pour donner leur chance à tous ! « Vous
avez bien travaillé Madame » conclut la sage-femme. En tête
à tête dans la chambre pour reprendre toutes nos affaires Cédric me rappelle
que lui aussi a bien travaillé, avec ses magazines dans la pièce d’à
côté ! Non sans avec un sourire en coin : 11 spermatozoïdes viennent
de lui !
Le 16/11/2005
Mes
remplaçants me donnent des nouvelles à peu près tous les jours. Ils ont l’air
de suivre mes consignes et conseils : ça me rassure.
Je
me sens nettement mieux, je n’ai plus trop de grosses douleurs au ventre. La
glace fait son effet. Cédric a néanmoins annulé son déplacement à Paris pour
venir manger avec moi ce midi, mon malaise d’hier l’a inquiété.
Le 17/11/2005
Jour
du transfert.
Le
téléphone a sonné à 8h30, encore endormi Cédric a répondu : nous avons RV
au CHU à 11h45 avec vessie pleine pour moi et sandwichs pour tous les deux au
cas où l’attente soit longue. Nous ne savons toujours pas combien d’embryons
nous avons à ce jour. Je ne me presse pas de boire ma bouteille puisque le
Professeur S nous fait toujours attendre. Les 6 femmes de la ponction de mardi
sont là.
On
a le temps d’enregistré les chiffres affichés dans la salle d’attente :
(cela
ressemble à des statistiques nationales…)
FIV
ICSI
Ponction
Transfert
Grossesse
23,1%
26,3%
Accouchement
17,9%
20,3%
TEC
Transfert
Grossesse
14,4%
accouchement
10,6%
Au
bout d’une heure, une sage –femme m’appelle. Nous pensions être dirigés vers
une chambre afin de poursuivre cette attente bien installés… Mais elle nous
emmène dans la salle d’écho où le Professeur nous attend. Aujourd’hui ils sont
à l’heure et que deux. Les choses ont changé depuis notre dernier transfert. Ne
sachant toujours pas combien d’embryons nous avons, le Professeur nous dit
« il va falloir que l’on décide de ce que l’on va faire. Souhaitez-vous
désormais prendre plus de risques et tenter trois embryons ou restons-nous à
deux? ». Je suis étonnée qu’il nous propose cela… face à notre surprise il
explique « vous en êtes à votre avant –dernière tentative, on peut
considérer que vous êtes jeunes et en rester à deux, la question se posera
vraiment à votre quatrième et dernière FIV… C’est à vous de voir ». Mon
cœur fait un bon, moi si bien jusqu’à présent je commence à stresser : « Je
croyais que les lois avaient changé et que nous n’étions pas limités en nombre
de tentatives ????!!! » « Ils sont revenus là-dessus, de toutes
les façons cela ne change rien pour nous, si au bout de quatre FIV vous n’êtes
pas enceinte… »… « Effectivement ce renseignement peut changer notre
décision » « si vous voulez, vous pouvez réfléchir quelques minutes, nous
allons appeler une autre femme avant vous ? » « Oui, pas de
décision trop hâtive » « alors à la semaine prochaine ! »
termine –t-il cet échange par une note d’humour dont il a le secret…. Nous
voilà dans un petit bureau et il faut se décider vite.
Trois
ça me paraît trop, on n’en profitera pas : c’est trop !
Et
on prend le risque de faire des prématurés… Ce qui est vite un argument
abandonné puisque l’on fait confiance à l’équipe médicale qui nous propose de
prendre le risque.
D’un
autre côté, le risque est augmenté certes mais quand même faible, non ? Et
par contre nos chances de succès augmentent, et cela fait un embryon frais de
plus à qui l’on donne sa chance plutôt que de le congeler et de prendre le
risque de l’affaiblir.
Cédric
a moins de doute : « il faut qu’on se lance je crois même que je
serai heureux et non paniqué d’avoir des triplés ».
Dernier
argument : il faut que ça marche car c’est notre avant dernière tentative,
on ne peut pas se permettre de ne pas saisir toutes les chances de
réussite : d’autant que nous sommes tous les deux conscients de notre
divergence, en cas d’échec, du choix à faire entre adoption ou renoncement.
La
décision est prise : on fonce !
Nous n’avons patienté que trente minutes avant de
pouvoir repartir. Je n’ai pas ressenti ce petit « bon pressentiment »
comme lors de notre deuxième FIV. Je chasse vite cette constatation de mon
esprit et n’en parle surtout pas à Cédric. Nous passons le temps en mangeant et
tentons de calmer notre excitation de ces dernières minutes en l’évacuant par
la parole.
Je
ne décolle pas de cette position allongée tant que je peux pendant les quatre
jours à venir…
Et
pendant ces quatre jours, je ne m’ennuie pas… Par contre mes nuits deviennent
difficiles : dès que je suis allongée dans le noir, prête à dormir, je me
stresse toute seule. Le fait d’avoir une limite qui m’est imposée (4
tentatives), que nous ne décidons pas nous-mêmes de quand l’on veut abandonner,
m’angoisse. Surtout que derrière, aucune solution ne s’offre vraiment à nous,
au contraire beaucoup de questions douloureuses devront être soulevées… Cédric
ne semble toujours pas prêt à entendre parler adoption et je me sens déjà
écartelée entre lui et mon désir de devenir maman. Finalement j’ai plus peur de
ce qui nous attend en cas d’échec que l’échec lui-même. Je me sentirais
tellement mieux si nous étions tous les deux prêts à envisager l’adoption, là
la situation est une pression supplémentaire que je n’avais pas lors de nos
précédentes tentatives. Je suis morte de trouille… L’émotion me gagne. Cédric
me rassure et me dit de lui laisser le temps quand il faudra envisager d’autre
solution il le fera. Je perds de l’objectivité, je sens combien le stress monte
et je m’en veux de m’emballer ainsi.
Au
bout d’une semaine mon état semble stagner. Je me sens bien mais ce
durcissement au niveau du bas du ventre est toujours présent et sensible au
toucher. Je viens de finir un livre polar « naissance sur
ordonnance » de Robin Cook dont l’énigme repose sur un contexte de FIV. Le
début du récit est long mais à l’avantage de détailler les scènes sur les
examens médicaux que j’ai moi-aussi subis.
Mes
deux jours « angoissée » sont plutôt passés même si j’ai parfois
encore de brève suée en pensant aux grossesses extra utérine qui pourraient
survenir et empirer notre situation. Ces peurs sont engendrées par les quelques
brèves douleurs que je ressens du côté gauche : des pics me surprennent et
me tiraillent un peu le ventre comme pour me rappeler que rien n’est gagné même
si le résultat de la prise de sang peut être positif.
Le 28/11/2005
Le
réveil a sonné à 6h30, on est lundi 28 Novembre 2005. Je me lève avant Cédric
pour aller à la salle de bain, sans allumer la lumière, je devine le désastre
de cette journée. Je saigne. Tout s’écroule à nouveau : Cédric me prend un
long moment dans ses bras. Je l’aide à se préparer avant qu’il ne parte pour
cette journée de travail. Nous avons peur de ne pas y arriver, de croire que
nous sommes faits pour ne pas y arriver. La vie nous refuse ce bonheur que nous
nous acharnons à tenter. Nous avons mal, nous souffrons intérieurement et cette
douleur ne veut nous quitter : comment lui dire au revoir, comment l’accepter,
comment renoncer à cet enfant biologique. Je me raccroche aux bras de Cédric où
je me sens si bien, je sens que je perds pieds. Je sens que quelque chose de
terrible se produit. J’ai une semaine pour m’en remettre et reprendre ma vie
normale : mon boulot, nos plaisirs simples, nos espoirs qui se résument en
quelques TEC (je pense à nos embryons congelés)… Je pense à cette image d’une
petite fille de 2 voire 3 ans, belle mais comme irréelle. Est –ce le moment de
faire ce deuil de la grossesse ? L’idée de retrouver mes trois collègues
au ventre rond et toutes celles que je vais encore croiser me dis que non, ce
n’est pas possible, la logique voudrait que nous y arrivions nous aussi… Mon
cœur ose me dire que je peux être maman autrement : il faut que j’accepte cette
situation. J’ai chaud, je me sens engourdie. Je crois qu’il faut que je mange quelque chose, n’importe
quoi. Puis je prendrai un bain pour me détendre et penser à ce qui va suivre.
Avant de partir Cédric m’a dit « quand tu
pleureras aujourd’hui, penses à moi, rappelle –toi que je t’aime ». Il a
raison, c’est fou, ça me calme autant que quand je suis dans ses bras.
« Tu es forte ma Nanou » : oui, j’y crois, je sais que je vais
passer ce cap et l’aider à en faire autant. Encore une ironie : le seul livre
que je ne vais pas finir et le « marabout de la femme enceinte » que
j’ai stoppé net lors de ma première – et seule que je retiens- fausse couche.
Quoique, j’ai bien envie de le lire maintenant ou quand j’attendrais cet enfant
d’où qu’il vienne. Il neige fort, mon velux se remplit, je suis enterrée sous
un tas de neige. Ce n’est qu’un deuil, la vie est là. Je pense à mon père qui
est en Ukraine, je voudrais adopter cette petite fille ukrainienne que je vois.
Papa
m’a envoyé un mail et en lui répondant je lui ai parlé de notre échec :
« Ce matin, ça ne va pas très bien ... Nous venons d'avoir un nouvel échec pour notre 3e FIV. Cette fois on
avait pris le risque d'un transfert à 3
embryons (le CHU nous l'a proposé étant donné que la 4e FIV sera la dernière puisque l'on est limité à
4). J'ai encore une semaine d'arrêt pour
encaisser avant de reprendre le travail pendant 5 jours.
Bisous
à toi.
Anne »
Puis
j’ai appelé maman 50 minutes : elle m’a dit avoir les bras coupés bien
qu’elle s’habitue à notre situation. Cette fois elle n’a pas essayé de me
réconforter à tout prix, avec des mots pris au dépourvu. Elle a été naturelle,
pleine d’émotion et de compassion, juste et posée. Elle m’a apporté tout ce que
j’attendais : du réconfort, vrai et sincère sans superflu.
« pupuce
rappelle toi discussion : un enfant pour lui pas pour toi... »
Ce n'est pas le deuil de l'enfant que nous sommes en
train de faire (les choses se décantent
et continueront à se décanter concernant l'adoption, je suis optimiste là-dessus) mais nous devons
commencer à faire le deuil d'une grossesse, d'une vie dans mon ventre. Ce deuil -là n'est pas la pire
chose que l'on peut vivre... J'arrive à le relativiser mais il n'est pas pour autant fait....
De
même, dès le lendemain Cédric profite d’un appel de ses parents pour trouver du
réconfort auprès d’eux. Nos parents sont les premiers – et les seuls pour
commencer – avec lesquels nous voulons partager ces évènements et non seulement
les en informer.
Je
viens de me rappeler un vieux souvenir : j’avais 11 ans moins 2 mois, je
me suis réveillée avec des saignements comme ce matin sauf que ce jour –là
j’étais très heureuse. J’avais mes règles : je devenais une jeune fille et
j’étais très fière de moi, j’ai accouru vers ma mère la tête haute. J’ai
toujours voulu des enfants et être enceinte. J’en voulais 4 et un mari brun aux
yeux bleus. J’ai la nostalgie de cette insouciance enfantine où tous les rêves
sont permis. Que dirais-je à la petite fille que j’étais si je l’avais devant
moi ?
Combien
de temps faut-il pour franchir ce cap du renoncement ? Nous savons que du
côté de Cédric, sœur et belle-sœur essaie d’avoir un deuxième enfant. J’en
reviens au regard des autres et au regard que je leurs porte. Un regard d’envie
et même de jalousie : ces femmes enceintes ou qui peuvent se réjouir de
bientôt l’être sont un miroir de ce que j’aurais voulu vivre, ce miroir est
néfaste, vil. Je déteste autant que Cédric ces précautions que l’on prend avec
nous pour nous annoncer une grossesse, notre fierté est ainsi blessée :
nous n’avons pas le droit de mal réagir puisque toutes précautions ont été
prises. Je n’aime pas pour autant les annonces brutales mais elles ont pour
mérite de nous laisser nous emporter –intérieurement j’entends- sans
culpabiliser. Nous ne sommes pas dupes de nos sentiments, notre manque de
compassion et de générosité dans ces moments-là, cependant nous l’assumons mal
et refusons de le percevoir dans les regards plein de pitié pour nous. Nous
voulons donner le change et qu’on nous laisse avec notre souffrance qui n’a pas
sa place dans ces instants si délicats.
Comment
faire ce deuil ? Est-il possible de l’amorcer alors que nous avons encore
des transferts d’embryons congelés de prévu ? L’espoir s’est nettement
affaibli mais existe encore. Pour ma première et troisième FIV, mon endomètre
était qualifié d’épais voire de très épais mais en revanche les embryons ont
été produits en nombre (respectivement six et dix) et a priori doté d’une bonne
qualité. Lors de notre deuxième FIV qui avait abouti à deux fausses couches, le
professeur S m’avait prescrit du lutéran afin de réduire l’épaisseur de mon
endomètre néanmoins il nous avait évoqué le risque de diminuer également la
qualité des ovocytes. Ce détail m’interpelle : serait-il simpliste de penser
que ce médicament est à l’origine de l’implantation des embryons lors de
cette deuxième fiv et même du TEC qui a
suivi ? Et peut-on supposer que le
Lutéran aurait été également la cause d’une potentielle défaillance de ces
mêmes embryons qui ont été d’ailleurs produits en plus faible quantité
(quatre) ? Cette comparaison de mes résultats lors de ces trois FIV (donc
deux sans lutéran et une avec un traitement initial au lutéran) , m’amènerait à
croire qu’un nouveau traitement avec du lutéran me permettrait de réobtenir une
épaisseur d’endomètre correcte pour favoriser l’implantation des embryons
congelés issus de cette troisième FIV et qui sont a priori de bonne qualité.
Manifestement, je ne suis pas encore prête à abandonner, pourtant ne
faudrait-il pas que je commence à me faire une raison ?
Je ne sais plus quoi faire ou penser
pour avoir toutes nos chances : adapter les traitements et me confronter à
mes peurs, sources d’un éventuel blocage psychologique, sont mes seules
alternatives pour ne pas me sentir impuissante. Une conversation avec ma sœur
me relance dans cette quête d’explications : ai-je évolué quant à la
nature de mon désir d’enfant ? Est-il à présent bienfondé ? Un enfant
pour lui et non pour ma fierté ?
Je fonctionne en binaire : je
suis soit en position 0 – où je ne crois plus en rien- soit en position 1 –très optimiste sur nos
chances de réussite. Je ne connais pas
la demi-mesure. J
’espère
que ce « masochisme » intellectuel portera ces fruits… J’accepte de
souffrir dans mon corps ainsi que dans ma tête et j’en rajoute ! Mais
jusqu’à quand ?... Je ne nous sens pas dépressifs, nous sommes heureux
ensemble dans notre vie de couple mais il nous manque quelque chose pour être
heureux dans notre vie quotidienne. Cédric évoque l’idée de profiter un peu
plus de notre vie à deux : que faire de plus ? Suis-je capable d’être
moins regardante sur le temps qui passe ?
Ma dernière prise de
sang et échographie montrent beaucoup de follicules. Les sages-femmes me
déconseillent vivement de maintenir mon week-end à Strasbourg prévu depuis 6
mois avec mes parents (mon père travaille en Ukraine et fait spécialement le
voyage) en vue de la visite des marchés de noël. Nous décidons de transgresser
cette recommandation…
Je trouve à la hâte
une infirmière alsacienne qui pourra me faire ma prise de sang le matin (en
espérant que la chambre d’hôte où nous dormirons possède un frigo disponible)
et mon injection de gonadotrophine. Je cours faire mon bilan RAI au laboratoire
du coin et, accompagnés de mes parents, nous voilà à peine partis qu’une
voiture me tamponne. Pas de casse… La veille nous avons appris que mon
grand-père ne va pas bien. On a décidément tous les quatre besoin de changer
d’air. Nous découvrons alors une magnifique maison d’hôtes et je ne regrette
pas le déplacement.
Dès le lendemain,
nous apprenons que l’état de papy s’est nettement dégradé et à midi qu’il est
décédé. On réalise peu. Mon père passe beaucoup de coups de fil pour organiser
son retour dans le Nord. Nous profitons du dépaysement pour décompresser. Je me
fatigue malheureusement très vite et je marche assez péniblement : j’ai
l’impression d’avoir des billes de verre dans le ventre qui s’entrechoquent.
C’est la première fois que nous partons ainsi avec mes parents, que nous
partageons les contraintes du traitement au quotidien et tout cela avec le
contexte du décès de mon grand –père.
Lundi 13 Décembre
2004 : jour de la
ponction.
Je me rends compte de l’humanité des sages-femmes
face à la froideur de certains internes. « Tiens ça doit être ta
ponction » dit une chirurgienne à une autre sans se préoccuper de saluer
les patients. Une sage-femme fait des remontrances à une infirmière qui a
laissé le sasse entre-ouvert sans se soucier du transfert d’un malade sur un
autre brancard qui laisse apparaître sa nudité. Les anesthésistes discutent de
leur vacances pendent qu’ils me mettent un masque à oxygène. Ce lieu est froid.
Le soir, nous
apprenons que dix follicules ont été ponctionnés. Seulement ? On m’en
avait comptés une trentaine ????!!!! Sept sont injectés d’un
spermatozoïde. Mon oestradiol a fait un pic qui m’interdit catégoriquement de
prendre la route pour aller à l’enterrement de mon grand-père. Je prends toutes
les trois heures du spasfon en alternant avec le dafalgan. J’ai mal debout mais
allongée je vais mieux. Vingt-quatre heures s’écoulent lorsque le téléphone
retentit pour nous annoncer que six follicules sont fécondés depuis le matin et
trois sont devenus embryons durant l’après-midi (la première méiose s’est
effectuée).
15 décembre
2004 : 13h35, nous arrivons au CHU et sommes tout de suite conviés à
prendre place dans une chambre en compagnie de deux autres couples (une femme
étant avec sa mère). Je constate que les femmes plus âgées que moi ont déjà un
enfant et viennent tenter un petit deuxième. Le professeur est au bloc depuis
7h du matin et en sort à 16h. Il s’excuse de ce retard et me transfert deux
embryons, deux autres sont congelés et un trop irrégulier dans ses formes ne
sera pas conservé. J’ai un petit mais bon pressentiment… D’ici cinq jours peut
être qu’un embryon se sera implanté…
Les vacances de noël
se font en famille, à Lyon, et nous permettent de penser à autre chose,
l’attente du résultat est supportable. Cependant je ressens quelques douleurs
qui me découragent et me laissent supposer que les embryons n’ont pas pris.
Deux jours avant la prise de sang, nous achetons un test de grossesse en
pharmacie. Nous nous sommes isolés pour une sieste afin de l’utiliser en toute
quiétude. Après une minute rien n’apparaît, je tends le test à Cédric
désabusée. Au bout de trois minutes quelque chose semble visible… cinq
minutes : c’est sûr, un trait très léger est là, c’est positif !
Silencieux, nous sourions béatement en observant scrupuleusement le bâtonnet.
L’attente se fait plus facile jusqu’à mercredi pour la prise sang. Cédric
freine mon excitation, il faut être prudent.
Toute la journée de
mercredi, nous partons faire les magasins en attendant les résultats. A 11h le
laboratoire nous confirme que le test est positif mais faible. Le mot
« faible » nous angoisse à nouveau. Il faut attendre le titrage
(dosage de béta HCG) : 41 UI/ml. La sage-femme du CHU que j’appelle me dit
que c’est un résultat moyen et qu’il faut continuer le traitement (capsule de
progestérone) sans trop vite se réjouir, on verra lundi si le taux aura
augmenté. On achète alors trois tests en pharmacie pour patienter jusque là.
J’imaginais que les choses allaient se dérouler autrement : une fin nette
et sûre, un soulagement définitif par un résultat sans compromis.
Les tests sont de
plus en plus marqués, nous en concluons que le taux augmente mais nous
craignons quand même une fausse couche ou une grossesse extra-utérine. J’évite
l’alcool, les douleurs au ventre s’estompent et sont remplacées par une
poitrine gonflée et des envies fréquentes d’uriner. Ma deuxième prise de sang
indique 515 UI/ml !!! Rien n’est gagné mais j’ose y croire très fort. Je
saute dans tout l’appartement, excitée, soulagée, rassurée ! Oui, oui,
oui !!! 515 UI !!! J’ai conscience du cap des trois mois à passer
mais j’essaie de profiter du moment présent et de cette petite réussite.
Je suis étonnée que
tant de collègues, en cette rentrée osent me demander très directement
« alors ça a marché ??? » à la fin de leur bon vœux pour la
nouvelle année. La maxime de ce mois est « le temps est la seule chose
dont on puise être avare sans déshonneur ». Je suis à mon 20e
jour de grossesse.
Cette année débute
fort : Cédric vient de prendre, enfin, son poste près de chez nous et je
suis enceinte ! 06/01/2005 : 1260 UI/ml ; Le 10/01/2005 :
3270 UI/ml. L’évolution semble plutôt faible aux yeux des sages-femmes qui me demandent
si j’ai des saignements ou des maux au ventre. Elles me prescrivent encore une
prise de sang le 12/01/2005. Mon taux a encore augmenté et l’après-midi même la
sage-femme me convie à passer au CHU pour une première échographie. Cédric peut
se libérer (son nouveau travail à proximité lui confère plus de liberté). La
sage-femme nous dit avoir hâte de voir si la grossesse n’est pas extra-utérine.
Elle constate que mes ovaires sont encore bien gros avant de se taire pendant
de longues minutes. Nous sommes soulagés d’entendre « il y en a un au bon
endroit ». Néanmoins elle nous conseille de ne pas nous réjouir trop vite
car elle ne comprend toujours pas pourquoi mon taux de béta HCG ne double pas
correctement tous les deux jours. Nous sommes repartis tout de même rassurés
avec une petite photo… Je suis un peu gênée de raconter ces derniers jours à
Nat, la nature aurait dû commencer par elle…
Fini les dosages de
béta HCG qui rythmaient nos semaines. Nous pouvons nous détacher un peu de ce
stress et attendre la prochaine échographie.
Celle –ci est des
plus positives. Nous avons à nouveau une petite photo et un rythme cardiaque a
bel et bien été décelé. Je place les images des échographies près de notre
chevet. Cette fois aucune inquiétude n’a été soulevée, au contraire :
« Tout est normal. Maintenant il faudrait réfléchir et rapidement prendre
rendez-vous chez le gynéco que vous choisirez pour votre grossesse. Où
comptez-vous accoucher ? Je vous donne rendez-vous à nouveau dans 15 jours
pour une échographie de routine, la dernière afin de s’assurer que tout va dans
le bon sens puisque vous serez dans la phase la plus propice aux fausses
couches ». Nous occultons complètement la fin de sa phrase et nous
réjouissons enfin réellement de cette réussite. Surpris qu’il faille déjà
prévoir le lieu de l’accouchement voire même du mode de garderie, nous entamons
pourtant les procédures. Nous sommes heureux. Les quinze jours passent
rapidement, nous planons à quinze mille...
Cédric m’accompagne à
nouveau pour cette ultime échographie au CHU. Un long silence s’installe devant
le monitoring. « Madame, cela n’évolue pas bien ». Nouveau silence.
« Il n’y a plus d’activité cardiaque. L’embryon a cessé de se développer
depuis peu ». Le ciel s’écroule. Nous avons passé un long moment avant
qu’un médecin m’examine à son tour pour confirmer le précédent diagnostique et
m’expliquer la suite des évènements. Je peux attendre la fausse couche
naturellement mais cela peut être long et difficile de ce fait
psychologiquement. La deuxième solution consiste à essayer de provoquer
celle-ci par l’absorption d’une espèce de « pilule du lendemain ».
Enfin la solution la plus extrême est la chirurgie par une aspiration mais le
médecin déconseille cette dernière « je préfère éviter d’intervenir ainsi
sur votre utérus d’autant que cela peut provoquer des complications au niveau
de la fertilité or avec votre dossier ce n’est pas une bonne chose ». Je
suis en arrêt pendant cinq jours et nous essayons la solution médicamenteuse.
J’ai croisé et attendu avec des femmes enceintes jusqu’au cou avant d’avaler
avec dégoût ce petit cachet qui doit éliminer ce petit rayon de soleil de mon
ventre. Nos larmes coulent sur ces sept semaines passées. Je suis à la fois
anéantie de l’avoir perdu mais aussi très heureuse d’avoir vécu cette
expérience. Je sens un grand élan de positivisme qui me pousse à y croire. Je
remercie la vie pour ce court moment de bonheur pur où j’ai été enceinte, ma
vie a changé. Je ne veux retenir que du bon de cette brève grossesse. Beaucoup
de doutes sur la capacité de mon utérus à recevoir un embryon se sont effacés.
C’est dur de se dire que le rêve est fini, que ce « petit nous »
n’est plus là, qu’il va falloir tout reprendre à zéro mais pourtant nous avons
tous deux la même réaction: nous avons hâte de reprendre un traitement car nous
y croyons plus que jamais.
N’allons pas top
vite, l’heure est à la fausse couche. Les saignements ont commencé, le
médicament fait effet. Parfois des caillots de sang partent. Je réalise que je
le perds définitivement. J’ai l’impression de vivre un deuil. Les caillots ont
laissé la place à des amas de plus en plus importants jusqu’au moment
fatidique : ce traitement m’oblige à être le témoin de l’expulsion. C’est
atroce, c’est horrible, il n’y a pas de mot. Pourquoi dois- je vivre tout
cela ? Pourquoi m’avoir redonné espoir pour me le reprendre ? Combien
de temps va-ton encore ramer avant de sortir de cette galère ? Dans quel
état serons-nous ? J’étais enceinte et je ne le suis plus. C’était si bon,
si heureux, si paisible. Un doux rêve vient de s’achever et je retourne à pas
forcés vers mon quotidien et nos difficultés. Malheureusement ce récit ne se
termine pas ici comme je l’ai cru, mais pour combien de pages encore ?
L’échographie de
control montre que le sac embryonnaire a bien disparu. Le médecin me prescrit
quelques gouttes qui provoquent aussi des contractions pour terminer d’évacuer
les derniers caillots de sang. D’ailleurs mon ventre me fait de plus en plus
souffrir. Je ne pense plus à demain mais à ce que je vis aujourd’hui :
c’est douloureux - j’ai des contractions régulières- et c’est moralement
éprouvant. Autant je n’avais pas beaucoup de symptômes pour réaliser ma
grossesse autant j’ai tout ce qu’il faut pour réaliser que je fais une fausse
couche ! Ma hâte de réessayer est passée bien vite ! Je suis écœurée.
Je me sens pourtant proche du but… Ce cursus médical devient un poids lourd. Je
passe une nuit affreuse : contractions violentes toutes les deux minutes
pendant une minute. Je m’évanouie de douleur en voulant aller à la salle de
bain. Je n’ai jamais autant souffert dans mon corps. Nous informons nos
familles des évènements heureux et malheureux de ces derniers mois. Nos mères
nous soutiennent par leur expérience parfois aussi douloureuse (perte d’un
enfant mort né, fausse couche). Je me shoote au spasfon et dafalgan mais ce
n’est guère suffisant. J’y ajoute un bloc de glace en permanence sur mon
ventre. Cette souffrance physique me fait oublier celle psychologique.
J’avale les dernières
gouttes et je sens les contractions s’estompaient petit à petit. J’apprécie de
retrouver mon corps en bonne santé. Une échographie montre une paroi utérine
fine. Tout est normal et nous pourrons reprendre les traitements en mai pour
nos deux embryons congelés, nous avons par conséquent trois mois devant nous.
La doctoresse m’a signalé pour mon information que j’avais un fibrum de 2 cm dans la partie supérieure
« absolument rien de grave vu qu’il ne déforme pas du tout la cavité
utérine et ne gêne en rien ».
Comment se finira notre quête ? Nous avançons
dans notre parcours médical. Le chemin me semble plus facile à suivre. Nous
avons nos repères et l’affolement du début fait place à la patience raisonnée
que la vie nous impose. Un couple fertile a généralement une chance d’aboutir à
une grossesse en environ quatre mois ; pour nous, les quatre tentatives
nous prennent au moins un an. Le temps a une autre dimension. Je me rends
compte de la chance que mon travail m’a offert de pouvoir suivre ces
traitements sans devoir l’abandonner ou tout-au-moins prendre un mi-temps. Nous
relativisons nos souffrances. Nous osons enfin élaborer des projets :
partir dans les DOM-TOM trois ans, ouvrir des chambres d’hôtes, etc. …. Et nos
relations sociales sont plus sereines. Nous ne sommes toujours pas à l’abri de
quelques réflexions… Cela nous fait des anecdotes… Nous le prenons avec
pragmatisme cependant nous sommes toujours surpris quand cela arrive. La
dernière en date vient d’une femme de plus de quatre-vingts ans : «qu’est
ce qu’il est beau cet enfant ! Et vous c’est pour quand ?
Oh ! Vous êtes encore jeunes… … … Mais si vous n’arriviez pas à en avoir,
est ce que vous seriez prêts à adopter ? » demande-t-elle avec un
mime de dégoût… avant de rajouter : « Enfin je dis cela, mais je
connais quelqu’un qui a adopté deux petites filles tout à fait charmantes,
comme quoi ! ». Cédric abasourdi, n’a pas dit un mot de tout le long…
J’imagine trois fins possibles à
cette aventure. La première est la plus évidente et la plus souhaitée : être
rapidement enceinte. Dans ce cas là, tout semble évident : les trois
premiers mois passés, la crainte d’une fausse couche et d’une grossesse extra
utérine écartée (les risques sont statistiquement plus grand en FIV), le
bonheur sera total. Je n’aurai pas peur d’étouffer cet enfant tant désiré, de
trop lui donner.... Nous connaîtrons notre chance mais nous oublierons les
épreuves passées qui pourraient amener à ce genre de comportement.
La deuxième serait l’adoption, après
un deuil de
la
grossesse. Ce
qui est déjà un début difficile. Ma sœur m’a
dit un jour, lorsque nous n’avions pas encore découvert mon endométriose :
« pourquoi tu ne fais pas appel à un donneur. Moi, à ta place, ça ne me
gênerait pas. Si cela peut te permettre des traitements moins lourds.» Les
traitements seraient aussi lourds, la question n’est pas là. A la grossesse
s’ajoute le mélange de nos sangs. L’adoption nécessite une renonciation à un
enfant biologique dans lequel nous nous reconnaîtrons… Je recommence à lire,
cette fois sur ce sujet. Cédric n’a pas la même façon de vivre tout cela mais
nous réussissons encore à l’accepter sans nous angoisser mutuellement. Alors je bouquine et je mûris
mon point de vue sur l’adoption : je suis parfois tentée de me dire qu’adopter
serait
la solution. Je
dois bien me rendre à l’évidence qu’adopter ne coule pas de source. L’aventure
de l’adoption me paraît aussi difficile que celle des FIV. Comment rendre
heureux ces enfants tourmentés par leur abandon ? Sans compter qu’il faut
être capable d’aimer et accepter un enfant qui aura son propre passé. Encore un
fantastique combat à choisir et qui semble présenter une fin plus
prometteuse ! Je suis tentée d’abandonner ces lectures qui me terrorisent
et rêver à ce petit être qui nous appellera maman et papa, à cette relation
singulière que nous créerons ensemble. Je me sens pourtant loin des personnages
du film « Holy Lola » de Bertrand Tavernier. Je tente de me projeter
dans les témoins des émissions sur les enfants nés sous X. J’apprends que seuls
3% des enfants cherchent à retrouver leur mère biologique. Un questionnement
sur leur origine est pourtant inéluctable. La phrase d’une petite fille de 6
ans « tais –toi, tu n’es pas ma mère » paraît courante et me fait
frémir. Pour les parents adoptifs, il est clair que leurs enfants sont vraiment
les leurs (sinon ce ne serait pas une adoption réussie), mais leurs enfants se
sentent-ils vraiment enfants de leurs parents adoptifs ? Je crois que si
nous devions adopter, je préférerais que l’enfant connaisse ses origines au
lieu de les imaginer. Je voudrais que mon enfant connaisse son histoire pour
qu’il y trouve un équilibre.
Enfin la dernière fin
possible serait le renoncement à toute descendance. J’aurais fait tout ce que
je pouvais pour avoir cet enfant : s’il me faut quatre FIV (nombre
initialement prévu par la sécurité sociale) j’irai au bout de ces protocoles
même s’il faut que je violente mon corps qui se dégoûte de tous ces
traitements. L’échec en incombera totalement à la nature qui n’aurait, dans ce
cas, pas cédé. Nous avons des amis qui ne veulent pas d’enfants (et ils le
présente comme une décision relativement ferme). Je suis intriguée par ce choix,
tout en le respectant, et j’en suis « curieuse ». Je crois que
quelque part ça me rassure de me dire que l’on peut y trouver un certain
bonheur même si j’ai du mal à considérer longtemps cette option.
Que nous réserve la
vie ? Cette expérience me fait redécouvrir tout ce que j’ai. Pour rien au
monde je donnerais ma place. Nous sommes deux et c’est déjà beaucoup. Je
souhaite faire un maximum de tentatives pendant encore deux, voire trois ans,
avant de faire le deuil d’un enfant biologique. Cette échéance m’aide à
garder courage. Pour l’instant seul l’enchaînement des traitements pourrait
changer notre situation. Ensuite nous pourrons nous tourner vers un nouveau
combat si rien n’y fait : celui de l’adoption. La question est de savoir
si nous serons assez forts pour endurer toutes ces déceptions : bien que
ce ne soit pas la volonté qui nous manque, le moral suivra-t-il suffisamment ?
Ne serons-nous pas trop abîmés par ce long combat et cette patience
imposée qui est éreintante ? Serons-nous prêts à nous tourner
véritablement vers l’adoption ?
Contrairement à
l’enthousiasme que j’éprouvais pour entamer notre première FIV, aujourd’hui
j’ai peur, peur d’y croire, la chute fait mal. Peur d’échouer par manque de
confiance et de foi. Peur de souffrir de mon impatience et de mal vivre cette
attente quotidienne : voilà le fond de mon angoisse.
Nous avons besoin de
repousser le prochain traitement de notre propre initiative afin de reprendre
courage et espoir. Cette période de flottement n’est pas très gaie. Nous
n’avons pas le moral. Cédric m’avoue se lasser de devoir me porter alors que
lui-même ne va pas bien. J’ai l’impression d’être un poids énorme, seule et
loin de lui. Mon mariage est le plus important et je ne veux pas le sacrifier
dans cette histoire. Nos difficultés sont source de stress pour Cédric sans
oublier les trajets professionnels (trois heures trente minutes aller-retour
par jour, et sa mutation se fait attendre) qui le fatiguent. Dans un deuxième
temps, me voir malheureuse l’affecte beaucoup. Il se sent délaissé dans sa
peine, je ne fais pas assez attention à lui et souhaite que je m’oublie
davantage pour être plus à son écoute. Je crois qu’il pense faire d’énormes
efforts pour moi et voudrait s’assurer que je peux faire la même chose pour
lui. Je suis peinée de constater que je l’ai déçue et qu’il se lasse d’être un
soutien. C’est parfois difficile de deviner ce que l’autre veut exactement.
Notre discussion nous permet de prendre du recul et nous rendre –compte que
nous sommes souvent très exigeants avec l’autre sous certains aspects d’autant
que nous représentons l’un pour l’autre la seule épaule sur laquelle nous nous
reposons dans cette épreuve. Cédric ne souffre pas du manque d’enfant en tant
que tel mais en tant que rôle social de parents qu’il engendre. Nous souffrons
d’être différents, de ne pas pouvoir nous réjouir et voir notre famille se
réjouir pour nous d’une naissance, de ne pas pouvoir partager avec notre
entourage ces petits moments de bonheur et de discussion autour du rôle de
parent, des ressemblances etc. … Et même si Cédric, comme beaucoup d’hommes,
n’exprime pas avec des mots clairement sa douleur, il s’autorise d’avantage
désormais à me la montrer par son air mélancolique. C’est en même temps de la
tristesse et une grande lassitude qui nous animent : nous avons besoin de
changement ! Et de réconfort… Cédric ne supporte plus très bien non plus
les cérémonies de mariages ou les réunions de famille ou d’amis où l’on parle
bébé, où l’on se souhaite plein de bonnes choses (nouvel an, noël) et où le
bonheur des autres nous éclabousse, ce qui nous renferme dans notre peine
depuis trois ans. Je crois que j’en suis au même stade. J’ai pu le rassurer
comme si rien ne m’atteignait. Tout me glisse dessus, j’en ai tellement marre
que je ne percute même plus.
Nous remettons tout
en question. Après notre soutien et notre façon de vivre les choses, nous
sommes amenés à nous interroger sur le CHU lors d’une consultation chez une
généraliste. Dans la nécessité d’obtenir un certificat médical en vue d’une
inscription à un club de sport, le médecin me demande si je suis sous pilule et
nous venons en effet à parler de notre FIV ICSI. Elle se montre sceptique sur
l’hôpital de Dijon et me conseille d’emblée de changer de centre… Selon elle,
le centre ne veut pas communiquer ses résultats dans ce domaine et puisque nous
avons échoué une tentative complète avec eux, il faudrait aller voir une autre
équipe. Elle me désigne clairement comme responsable de nos échecs :
blocage psychologique ou problème à définir au niveau de l’implantation dans
l’utérus. Etant donné que tous nos résultats sont bons (réactions aux
traitements et qualité des embryons), que seule l’implantation ne se fait pas,
elle est surprise que l’on ne cherche pas à approfondir le diagnostic. Elle
évoque ainsi les mêmes questions que celles que je me prépare à poser au Professeur,
à savoir : pourquoi le transfert a lieu si tôt après la fécondation, soit
deux jours, alors que les embryons ne sont prêts à s’implanter qu’au sixième
jour ? N’y a-t-il pas un moyen de contrôler et influencer les réactions de
mon endomètre pour qu’il soit plus « accueillant » ? Mes trompes
sont elles encore bouchées ? Quels sont véritablement leurs résultats dans
ces techniques ? Je tente d’envoyer un mail à l’association Pauline et
Adrien pour obtenir notamment des renseignements sur les différents centre de
PMA et leur spécialité. Leur adresse ne semble plus valide, je n’arrive pas à
leur envoyer le mail.
27 septembre 2004. Nous
recevons la lettre de la commission de l’hôpital, nous stipulant que nous
sommes autorisés à reprendre un nouveau protocole suite à l’examen de notre
situation. J’ai rendez-vous avec les sages-femmes pour obtenir les ordonnances
et avec l’anesthésiste en prévision de la ponction d’ovocytes. Nous avons
également de nombreux tests à refaire : prise de sang, spermoculture etc.
… La lettre précise que l’on me prévoit une stimulation ovarienne avec un
protocole long. Les sages-femmes m’apprendront que le décapéptyl me sera
injectée en une seule injection intra-musculaire de 3mg et non plus du 0,1 mg
quotidien. J’en suis soulagée. Le traitement sera plus long car ils veulent
laisser agir le décapéptyl quelques jours de plus (lors de la première
tentaive, j’ai en effet été proche de l’hyperstimulation). L’arrêt maladie est
dorénavant de quatre semaines : trop de contraintes avec les employeurs.
Nous avons tout en main et nous pourrons recommencer une nouvelle tentative dès
que nous le souhaitons.
Nous souhaitons nous
accorder encore deux voire trois mois de répit afin de mûrir ces derniers
évènements. En outre nous voulons passer les fêtes de fin d’année sereins,
normalement et en famille loin de ces préoccupations. Mais c’était sans compter
sur notre entrevue avec le Professeur. Comme toujours, lorsque l’on a
l’occasion de s’entretenir avec le Professeur, nous avons eu la réponse à toutes
nos questions. Nous avons parlé de la technique de culture prolongée des
embryons qui n’a pas, selon lui, fait ses preuves : « votre utérus
est à nos yeux un meilleur endroit pour vos embryons comparé à une culture in
vitro. Or le devenir des embryons dépend du milieu dans lequel ils se
trouvent ». Avec notre âge, nos pathologies et réactions aux traitements,
il estime à 55 % notre probabilité de réussite lors de notre première tentative
contre 33% avec une culture prolongée (avec six embryons au départ). Il admet
que l’épaisseur de mon endomètre régulièrement élevée (même si je suis dans les
normes) peut être une difficulté pour l’implantation. Il me délivre alors une
petite ordonnance pour du luteran, une sorte de pilule qui pourrait éviter que
l’épaisseur de mon endomètre soit trop importante. Ce sera le seul traitement, car il souhaite intervenir le moins possible
chirurgicalement et éviter ainsi notamment les adhésions tissulaires. Il nous
propose une nouvelle tentative soit en novembre soit en 2005, le risque étant
que cela ne se fasse pas avant le printemps puisque le centre déménage et
certains conflits internes rendent le calendrier incertain. Finalement notre
choix se fera par le hasard : avec les dés ! Nous étions dans
l’impossibilité de choisir entre une fête de Noël tranquille (sans compter tous
les week-ends déjà en prévision !) et six mois sans rien tenter. Les dés
ont choisi trois fois de suite un traitement en novembre.
D’ici-là je prends
rendez-vous chez un psychothérapeute avec lequel j’ai fait un stage dans le
cadre de mon travail. Cela me permet de faire le point. Je suis convaincue que
notre état psychologique joue un rôle non négligeable, surtout notre
inconscient et je voudrais connaître un peu plus ce que le mien me cache… Nous parlons
très brièvement de ma désociabilisation notamment en présence de femmes
enceintes et de bébés. Je veux comprendre pourquoi je bloque alors que nous
souffrons tant de cette absence et comment mieux vivre ce manque. Il m’incite à
oser exprimer mes sentiments et arrêter de les refouler. Il nous conseille de
ne plus fuir les groupes d’amis ou de famille lorsque nous avons mal mais au
contraire de nous immerger dedans. Il me fait surtout réfléchir sur mon désir
d’enfant, enfant biologique et enfant adopté. En sortant de cet entretien de
deux heures, je n’ai pas l’impression que j’ai appris beaucoup sur moi mais j’ai-je
me perçois différemment. Je vais prévoir une discussion avec mon père comme le
psychothérapeute me l’a recommandée bien que je ne sois pas convaincue de
l’utilité de cette dernière démarche… J’ai acheté un livre qu’il m’a conseillé
concernant des régimes à appliquer selon nos maux. J’essaie de réfléchir un peu
à ce qu’il m’a dit: pourquoi vouloir un enfant ? Pourquoi un enfant
biologique plus qu’un enfant adopté ? Mes motivations ne sont –elles pas
trop tournées vers notre couple plus que pour l’enfant lui-même ?
L’adoption nécessite cinq ans de mariage pour demander l’agrément, neuf mois de
procédure avant son obtention puis enfin plusieurs mois voire années pour
accueillir l’enfant où il faut parfois se battre non plus contre la nature mais
contre les lois, les pratiques. Bref, tout cela nécessite un engagement que
l’on n’entame pas légèrement. Je ne sais pas si je suis capable d’aimer un enfant
qui ne serait pas de nous. Cette triste réalité m’interpelle dans mon projet de
devenir maman : il se cache peut être un déni, un refus. La discussion
avec mon père est plus aisée que je l’imaginais mais n’est en rien un
bouleversement.
Janvier 2004. Je
pense peu au Transfert d’Embryons Congelés qui nous attend. Je fais le
nécessaire pour qu’il soit possible : téléphoner au centre hospitalier
pour qu’il m’envoie les ordonnances, etc. …. Cependant, je ne l’appréhende pas
de la même façon que la première tentative. J’ai du mal à me remettre
résolument dans une dynamique positive. J’ai l’impression que je suis prête,
que je ne le vivrai pas du tout comme les tentatives précédentes : peut-être de
manière plus détachée, moins angoissée du résultat. Mais c’est difficile à dire
car quand le moment approche, tout change… Quoiqu’il en soit je veux le faire
le plus vite possible. Je ne vois pas ce qu’une éventuelle attente
m’apporterait car je me sens bien maintenant. Je suis réconfortée par les
ordonnances qui ne m’imposent que du gonal-f et non plus de décapéptyl - l’aiguille
de la seringue était plus longue -, le traitement est plus léger (la
stimulation étant plus faible) et ne nécessitera pas d’arrêt de travail. Je
pourrai même continuer à faire du sport. Dans l’ensemble ce sera sûrement plus
facile… Je préfère ne pas connaître les chances de réussite avec des embryons congelés
et y croire. D’ailleurs, pourquoi faire tout cela si ce n’était pas une méthode
fiable ?
Mon cycle dépasse encore les 30 jours. Je ne m’étonne plus de
rien depuis ma cœlioscopie. J’attends patiemment de pouvoir appeler le centre
afin d’avoir la confirmation du début du traitement. Le moment arrivé, une
nouvelle embûche se présente: mon cycle ne colle pas avec le calendrier du
Professeur qui part en vacances. Je ne suis pas vraiment déçue car je sais que
ce n’est que partie remise, mais contrariée car comme d’habitude mes règles ne
tombent pas pour le mieux… J’ai un peu le blues, j’ai tellement peur de ne pas
vite réaliser ce rêve qui semble parfois s’éloigner de nous… Je suis peinée de
ne pouvoir commencer le traitement et pourtant je n’y crois pas tellement. Peut-être
qu’au fond j’attends surtout le moment de recommencer une FIV depuis le début
et non de prolonger l’échec de la première… J’appelle Cédric pour le tenir au
courant ; il semble fataliste « il va bien falloir que l’on se fasse
à l’idée que nous n’avons jamais de chance de ce côté là »… Je l’ai senti
déjà abattu hier et ne me sentant pas moi-même avec un moral d’enfer je ne lui suis pas d’un grand
réconfort…Le temps n’arrange rien en cette fin du mois de février. Le soir
venu, nous discutons. Cédric me dit qu’il sera heureux même sans enfant si moi
je suis heureuse. Pourquoi je ne suis pas comme lui ? Je me suis réveillée
dimanche avec des larmes, il m’a serré dans ses bras et tout allait beaucoup
mieux ! Il est magique cet homme là ! Je sens comme une petit boule
de peur près de mon cœur, toujours présente et qui parfois se rappelle à moi.
Il y a des jours où je me sens prête et d’autres où je mesure à quel point tout
ne dépend pas de nous… Je recommence à tergiverser : cette douleur face à
des femmes enceintes qui ne cesse pas, ces questions sur l’adoption, cette
colère contre la vie et les contraintes d’organisation qu’imposent ces
traitements. Patience…Patience… Il faut être patiente… Je ne suis qu’à ma
première tentative, premier échec. Au bout de cinq tentatives plus de la
moitié des couples ont un enfant – les chances d’être enceinte sont, elles, de
50 % au bout de trois tentatives - . Je sais : cinq tentatives, c’est
beaucoup de FIV mais je me rapproche de
plus en plus de notre réponse à la question : « serais-je enceinte de
mon mari un jour ? ». Mais que c’est long cinq tentatives ! Il
me faudra dix mois pour finir entièrement une FIV – transfert d’embryons
« frais » puis utilisation d’embryons congelés. « Nos »
embryons… Ses mots raisonnent… « Utiliser »… Je manque un peu de
poésie, tout est si médicalisé dans notre cas.
Je me remets à nouveau en cause à chaque nouvelle entrave que nous
rencontrons. Je me dis que nos problèmes ne s’arrêtent pas à nos causes
biologiques (multiples pour nous) mais aussi peut être à un rejet inconscient
de ma part d’être maman… Je prends le droit de me relâcher, être versatile,
avoir des sautes d’humeur. Nous nous sommes fixés un délai plus ou moins précis
pour continuer les tentatives. Passé ce délai, si nous ne sommes pas parents,
nous aviserons sur notre avenir. Néanmoins, de nature impatiente, il me faut
accepter cette attente. Une bonne nuit de sommeil me confirme que ma baisse de
moral n’était que passagère.
Un mois plus tard, il est temps d’appeler à nouveau le centre pour
évoquer à nouveau mon prochain Transfert d’Embryons Congelés (TEC). Le
traitement commencera ce soir. Les premiers jours j’ai la joie de me rendre
compte que je suis capable d’oublier ma piqûre! Je la fais dans un sursaut de
mémoire… Aujourd’hui, j’ai mis ma boîte de gonal-F en évidence dans le salon
pour y penser. Je continue à aller courir, faire du badminton ou du vélo :
adolescente, je n’étais pourtant pas une sportive, mais maintenant j’en ai
besoin. Mis à part deux échographies avec prise de sang qui m’empêchent
d’arriver à l’heure au travail, le traitement passe assez inaperçu. La dernière
fois j’étais très heureuse, finalement, de pouvoir me consacrer à la FIV
entièrement, me reposer etc. Pour mon TEC c’est différent. Le travail et mes
activités m’occupent. Je le vis de manière plus légère en étant détachée ou en
essayant tout du moins ! Ce qui m’aide est certainement de ne pas trop y
croire et que ce traitement n’est pas aussi invasif.
Ce matin-là nous avons pris le temps
en nous prélassant et sans presser le pas. Si bien que nous sommes arrivés
exactement à neuf heures au Centre Hospitalier. La prise de sang a été réalisée rapidement et, dès neuf heure trente,
nous étions sortis avec pour ordre de revenir dès midi avec la vessie pleine au
cas où les résultats seraient bons (sinon nous en aurions profité pour
reprendre des ordonnances). Midi moins le quart, nous sommes au rendez-vous, et
aussitôt nous sommes placés dans une chambre, heureux que les choses se passent
aussi vite. Vers douze heures trente, ma vessie est prête à exploser… Douze
heures et quarante-cinq minutes, ma
voisine et moi-même nous demandons si nous n’avons pas été oubliées… Treize
heures, nos maris cherchent des informations et nous apprennent que le Professeur
S. est introuvable mais que tout est bon pour nous. Nous ferons donc le
transfert même si l’on ne sait pas à quel moment… Premier tour aux toilettes :
j’ai appris à soulager « un peu » ma vessie…. Treize heures trente
minutes, deuxième tour au toilettes… Quatorze heures trente minutes, troisième
tour aux toilettes… Le Professeur S. est toujours introuvable…. Quinze heure
quinze minutes, quatrième tour au toilettes et toujours l’envie désespérée de
faire pipi ! (j’avais bu une bouteille de un litre et demi !!!!)… Quinze
heures quarante-cinq minutes, nos maris, encore partis à la recherche
d’informations, nous réconfortent en nous disant qu’il est arrivé et fait
justement des transferts… C’est bientôt notre tour… Seize heure dix minutes, c’est
enfin mon tour ! Le Professeur S. nous informe que nos deux embryons
décongelés sont de bonne qualité et il nous en restera encore deux.
Déshabillée, je n’ai plus qu’à renfiler mon jean : ma vessie est trop
pleine, il faut que je la vide encore en comptant jusqu’à quarante !!!!
grrr !!!!…
Enfin me revoilà dans la chambre où je
dois attendre une longue heure, allongée, avant de rentrer chez nous, affamés,
n’ayant pas mangé ce midi… Comme ne cessait de le répéter le mari de notre
voisine de chambre : le principal est que le transfert est lieu… Ce n’est
pas lui qui est resté quatre heures avec une vessie pleine !!! Ses
réflexions me permettent d’apprécier d’autant plus la patience de Cédric. Il ne
se plaint pas et pourtant il me porte, ajoutant mon stress au sien. Je me rends
compte à quel point le corps médical ne s’intéresse pas à lui. Tout est centré
sur la femme : « ce n’est pas grave si votre mari ne peut être là, il
suffit d’une lettre de sa part acceptant la décongélation et le
transfert. » A part son sperme en début de FIV, rien de chez lui ne les
intéresse. Il est impuissant devant ces centaines de piqûres que l’on me fait
et absent des rendez-vous matinaux à tel point que l’on a parfois l’impression
de faire un bébé avec le CHU…
Nous rentrons à la maison… avec deux
embryons au chaud, dans mon utérus…Le train –train quotidien reprend. Nous
partons dix jours pour les vacances de Pâques. Nous allons dans le Nord pour un
mariage. La veille nous allons dans le premier laboratoire que nous trouvons
pour faire ma prise de sang : test négatif. Après trois petites larmes
nous passons à autre chose et nous nous préparons à la fête du lendemain. Le
mariage se passe très bien (si ce n'est que le thème du « bébé » est
très abordé dans une célébration de mariage ! Et j’ai vraiment du mal à
rester dans une église). Bref, beaucoup d'émotions et un froid de canard m'ont
bien fatigués d'où un rhume dont je ne sais me défaire. Nous encaissons plus
vite, nous reprenons le dessus même si nous sentons bien que notre douleur est
là, au fond de nous. Nous essayons de profiter du quotidien. Le jour, tout va
bien et je vaque à mes occupations mais quand je me pose pour dormir la nuit
j’ai du mal à trouver le sommeil. La nuit je pense à nos soucis et j’angoisse.
Je cauchemarde : une petite fille me parle et me demande pourquoi nous
l’enfermerons dans mon ventre. Grâce à elle, je me sens enfin une maman mais je
suis triste d’avoir déjà perdu quatre potentiels enfants (embryons) . Je ne
suis pas sûre de pouvoir
la
sauver. Quelle
horreur ! Ce qui me réconforte est de
pouvoir recommencer tout de suite, fin mai si tout se passe bien.
Je n’ai pas encore
reçu les nouvelles ordonnances. J’appelle donc le centre. On m’apprend que,
lors du dernier transfert, le Professeur S. a trouvé mon endomètre épais. Je
dois donc les appeler à mon prochain cycle pour faire une échographie six jours
après le début de mes règles, pour vérifier qu’il n’y a rien d’anormal avant
d’envisager un autre TEC. J’espère qu’ils ne vont pas vouloir me refaire une
célioscopie… Peut être me remettront-ils sous énantone ?… Voilà que je
m’inquiète une nouvelle fois !!! Inutilement encore… J’ai besoin de sentir
une échéance. Je m’accroche, je n’ai pas encore trente ans et mon horloge
biologique ne me traumatise pas encore. Ma souffrance n’est pas une souffrance
de privation ou de deuil comme si je me disais que je ne serais jamais maman
(ce sera à nous de choisir l’adoption si besoin est). C’est une souffrance
d’impatience et de frustration. Impatience depuis trois ans de ne pouvoir porter
l’enfant dont nous rêvons, de nous deux ; et privation de ne pas arriver à
quand même profiter de la vie comme je le voudrais, en attendant. Sans compter
que je parle d’adoption mais la question n’est pas aussi simple…
Mon échographie est repoussée :
il n’y a pas de médecins disponibles en ce moment. Je demande quand même plus
d’explications au téléphone. Mon endomètre a
été mesuré à quinze millimètres le jour du dernier transfert alors qu’il était
normal trois jours auparavant. Le Professeur S. souhaite donc vérifier qu’il n’y a rien
d’anormal. L’échographie déterminera si je dois subir une hystéroscopie et un
curetage ou non (qui se font sans anesthésie, ouf !). Si tout va bien nous
en resterons là… Cela pourrait aller jusqu’à une nouvelle intervention, une
opération, s’ils trouvent vraiment des polypes gênants mais a priori j’ose
espérer que ce ne sera pas le cas. Je
stresse à l’idée que nous repoussions l’examen en septembre et de devoir passer
les vacances d’été sans savoir ce qui m’attend: curetage et
hystéro? Quand ? Suivi d’un traitement ou non ? Bref encore une fois nous
nous armons de patience et nous attendons tranquillement d’avoir des réponses,
sachant qu’il n’y a rien de bien grave. Mon échographie se fait finalement en juin, avant l’été : tout va
bien. Je me sens en vacances du point de vue travail et médical. Pas
d’intervention ! Nos vacances d’été se déroulent paisiblement, loin de ces
tourments.
J’ai reçu au courrier
mes nouvelles ordonnances : le traitement est essentiellement le même :
gonal-f. Seul le déclencheur de l’ovulation change : ce sera de
l’ovitrelle que je pourrai m’injecter moi-même en sous cutanée. Je gagne encore
en liberté avec ce Transfert de nos deux derniers Embryons Congelés. Le centre
ferme pendant l’été mais je peux commencer mon traitement si mon cycle démarre
après le 14 Août. Et nous voilà pile le 14 Août lorsque mes
« vilaines » arrivent… Puis-je commencer le traitement ? Le CHU
étant fermé une bonne partie de l’été, mon ordonnance stipule « ne rien
commencer si règles avant le 14/08 ». A priori, c’est bon pour moi. Reste
à débuter les piqûres le lendemain : aïe, ce sera dimanche… Il me semble
que l’on ne commence pas les injections un dimanche afin de ne pas risquer de programmer
un transfert ces jours-là (les transferts ayant lieu à priori exactement quinze
jours après le déclenchement de l’ovulation)… Après discussion avec Cédric et
consultation de la notice du gonal-f, nous décidons de tout décaler d’une journée.
Bêtise ! Dix
jours plus tard, le CHU m’apprend qu’il n’aurait pas fallu prendre une telle
initiative ! Heureusement mes analyses de sang sont bonnes et je peux
poursuivre le traitement. Le transfert a donc lieu comme prévu le 29 août. Je
suis heureuse de pouvoir clore cette première FIV dans sa totalité avant de
reprendre le travail. De plus, nous venons d’apprendre que Cédric a obtenu une
mutation pour janvier et son nouveau poste sera à vingt minutes à pied de la
maison (contre une heure et demie de train et bus jusqu’à présent). Autre bonne
nouvelle : par je ne sais quel miracle, Cédric a accepté de me faire des
piqûres ! J’ai un peu de mal à me les faire. J’ai comme un blocage. J’admire
l’aiguille trois minutes avant de me décider à l’enfoncer dans mon ventre. Je
réussis même à me faire des bleus : je ne sais pas ce qu’il me prend… Lui
qui déteste vraiment ça, me la fait quand il en a l’occasion. J’apprécie d’être
soulagée de cette charge… Encore une fois le traitement est léger et je ne
ressens heureusement rien en comparaison du protocole long des débuts de FIV.
Je vaque donc à mes occupations. Je prends enfin rendez-vous chez
l’ophtalmologiste (pour une visite de contrôle, depuis le temps que je n’en ai
pas eue…) et le dermatologue. Je ne suis pas enthousiaste à l’idée de consulter
encore des blouses blanches (j’en vois assez en temps ordinaire au CHU) mais
Cédric a repéré des tâches d’eczéma dans mon dos. Le stress encore ? J’ai
tendance à tout reporter sur nos traitements…Enfin, certes il n’a pu
m’accompagner cette fois pour ce nouveau TEC, mais je suis détendue car je suis
la seule femme dans la chambre à attendre un transfert. Cette fois-ci je n’ai
pas à attendre quatre heures avec la vessie pleine ! Je suis la seule à
attendre un TEC à midi dans les couloirs du CHU. Il nous reste encore une semaine
avant le grand retour des vacanciers d’été et le Professeur S. a repris son
poste ce matin. Je suis paisible, j’ai prévu de la lecture. Lorsque je suis sur
le fauteuil gynécologique, le professeur S. commence le transfert. Il semble
avoir quelques difficultés, il m’incline davantage. La sage – femme me fait
souffrir en appuyant fortement avec la sonde sur ma vessie pleine. Le silence
règne. Je n’ose demander « quel est le problème ? ». Le
transfert enfin fait, je retourne dans ma chambre soulagée d’avoir nos deux
derniers embryons décongelés dans mon ventre. « Vous êtes notre première
dame à reprendre un transfert en cette rentrée, il faut que ça
marche ! » plaisante une sage-femme… J’aimerais tant… J’anticipe la
suite : rendez-vous est pris avec le professeur afin de faire le point
suite à ce dernier transfert de notre première FIV et je pense déjà à faire une
pause jusqu’en janvier si le résultat venait à être négatif. Je redoute de
devoir reprendre tout depuis zéro : des piqûres quotidiennes, une anesthésie,
trois semaines d’arrêt…
Douze jours plus
tard, je craque. Je sens que ce sera encore un échec : mon ventre me parle
et m’annonce la fin de mon cycle. Je ne supporte plus cette attente, ces
gélules de progestérone à placer dans mon utérus matin et soir alors que tout
est perdu. Je n’en peux plus. La veille du test sanguin, j’ai la confirmation
que c’est encore raté, mon ventre ne m’avait pas menti… Le compte rendu de ma
prise de sang affiche : « béta HCG : <5 UI/ml ». À peine
surprise, je n’en trouve pas moins la vie injuste, et encore une fois, c’est la
colère qui m’anime. Que pouvons-nous faire de plus ?
Encore un mauvais
moment à passer. Il faut continuer. Que faire d’autre ? L’agrément en vue
d’une adoption demande cinq ans de mariage, il nous en manque deux et je veux
encore espérer d’être enceinte. Mais comment ne pas perdre force et joie de
vivre au fur et à mesure que les échecs se cumulent ? Je redoute la
prochaine tentative : nous reprendrons tout depuis le début… Les piqûres
de décapéptyl seront à nouveau de mise, je serai arrêtée trois voire quatre
semaines, anesthésiée pour la ponction, mon ventre me fera souffrir, je devrai
arrêter toute activité et rester chez moi à me reposer, à attendre, encore
attendre… L’artillerie lourde de ce traitement me fera espérer peut être
davantage la réussite et l’implantation de ces embryons frais, mais l’éventuel échec en sera d’autant plus
difficile. J’ai peur de continuer et de sentir l’espoir s’évanouir en
moi : comment réussir dans ces conditions ?
14
Décembre 2003. Aujourd’hui, je me suis levée avec des saignements…
Nathalie me dit d’y croire encore mais ces saignements correspondent bien à mon
cycle et sont donc synonymes d’échec… Nous avons encore des chances devant
nous : quatre petits embryons qui nous attendent au CHU. Je ne veux pas me
laisser abattre définitivement bien que je ressente quand même une vive douleur
qui me remplit de peurs d’espoirs et de déceptions.
Je suis partagée entre cette conviction que nous serons parents et cette dure
réalité qui s’impose à moi aujourd’hui. Nous sommes quelque peu déboussolés,
mais c’est normal dans ce cas ! Nous n’avons plus goût à grand chose et je
pense que la soirée ne va pas nous aider. Mais nous nous en remettrons… Il le
faut…
Mon moral varie. Des bas :
injustice et incompréhension – serons-nous parents, et, si oui, quand ?
Pourquoi cela nous arrive, à nous ? - et des moments moins bas : entre
espoirs et acceptation ? – Comment profiter de la dans notre situation, et
occulter cette attente ? Comment la vivre au mieux, ainsi que les
traitements qui l’accompagnent ? -. Cédric a été parfait et je le
redécouvre. Jusqu’à présent nous avons eu besoin de réconfort pour les mauvaise
nouvelles liées à notre infertilité et nous étions encore maladroits et faibles.
Aujourd’hui je le redécouvre un peu plus, il a été comme je le souhaitais face
à cet échec. Nous avons du mal à redonner aux choses leur juste place. Tout est
fade car l'échec ternit notre existence.
Encore une fois, pour me rassurer, je regarde sur Internet les chances
de réussite des FIV-ICSI. Je recherche également d’autres techniques
complémentaires qui pourraient nous aider et augmenter nos chances. L’idée d’un
rendez-vous avec le professeur émerge : si l’on doit faire une deuxième
tentative de FIV en repartant du début, j’aimerais qu’il me donne son
point de vue sur notre échec et qu’il me parle d’autres techniques comme le « hatching »
(petite incision pour faciliter la nidation de l’embryon) ou la « culture
prolongée » (pour mieux sélectionner les embryons à implanter)… Je devine
qu’il nous faut persévérer dans ce sens avant de tirer des conclusions trop
hâtives comme j’ai peut être tendance à le faire… J’ai toujours besoin de
savoir où je vais (notamment en ce qui concerne le déroulement des traitements)
et avec quelle chances de réussite, afin de me préparer et d’affronter
sereinement le tout. Avec cela, j’ai l’impression de prendre part au combat et
que c’est cette attitude qui me permet d’avoir confiance et d’être forte.
Noël approche et nous
sommes soulagés de rester entre nous. Nous ne partageons pas nos difficultés en
famille et nous ne nous sentons pas d’éluder le sujet et de prendre le risque
de gâcher
la fête. J
’ai
une belle sœur enceinte et Cédric a son frère qui vient d’être papa. Nous
espérons donc que nos parents pourront se réjouir lors de ce Noël. Pour notre
part, nous préférons voir tout le monde dans un autre contexte que les fêtes de
famille… Le moral revient et est encore fragile, c’est trop tôt. Nous
confirmons également à nos amis que nous restons chez nous pour le nouvel
an : « c’est si contraignant comme traitement ???!!! »
demandent-ils… « ben oui : piqûres, prises de sang, échographies,
arrêt et surtout l’envie de le vivre à deux, de se retrouver après pour digérer
tout ce mois d’espoir et de traitement… ».
Pour le réveillon de Noël, nous avons réservé une table chez notre
restaurant chinois préféré. Nous avons commencé les travaux d’aménagement de
notre cuisine intégrée pour nous occuper l’esprit et ce soir là, je peins les
murs jusqu’à 19h30 avant de prendre une douche et de profiter de cette soirée.
Je m’attendais à un restaurant vide. J’imaginais le restaurateur nous ayant
oubliés… Finalement nous sommes cinq couples répartis dans cette salle pour
fêter tranquillement un Noël un peu particulier. Qui sont-ils ? Sont–ils
des abandonnés par leur famille ? Des athées profitant du calme des
rues ? Nous nous sentons en froid avec nos croyance religieuses et n’allons
pas à la messe de minuit. Nous sommes en rébellion de ce côté–là. Nous passons
une excellente soirée dans le climat apaisant de ce restaurant. De retour chez
nous, nous continuons les festivités et nous offrons nos cadeaux respectifs.
Contre toute attente, notre bonne humeur égaie toute
la soirée. De
même, au
réveillon de la Saint Sylvestre, nous réservons une table, et choisissons un
restaurant gastronomique du centre ville. C’est Cédric cette fois qui finit de
monter des meubles en kit de notre nouvelle cuisine jusqu’au départ. Le repas
est succulent et le restaurant bondé de belles grandes tables d’amis joyeux. A
minuit, nous nous serons la main avec les tables voisines en se souhaitant une
très bonne année 2004. Tout se passe merveilleusement bien.
De retour au travail, après six
semaines d’absence (mon arrêt de trois semaines ayant été prolongé d’une
semaine et suivi de deux semaines de vacances scolaires), j’affronte une série
de petites questions et de vœux de collègues avec beaucoup de mal. Des vœux de
bonheur, des questions sur mon absence et l’annonce d’une grossesse : bref
tout était là pour me rappeler de mauvais souvenirs de ce mois de Décembre. Nat
m’avait prévenue, le retour à la vie réelle est un atterrissage forcé. Elle me
livre son expérience et me cite les propos déplacés qu’elle a encaissés après
son premier échec : "tu sais, ce n'est que ta première...ma voisine
en est à sa 13ème (!!!)...et ça n'a toujours pas marché, mais faut pas
désespérer », « tu es trop négative, tu vois toujours tout en noir,
c’est pour cela que ça ne marche pas ! ». 2003 ne va pas me manquer
et je suis contente de commencer une nouvelle année qui ne peut être que
meilleure. Finis les examens, les interrogations, 2004 sera l’année des tentatives.
Je me sens tellement mieux chez moi dans mon petit
quotidien que j'apprécie moins les soirées entre amis ou famille. Je me protège
de la vie extérieure car je ne veux pas voir nos difficultés. J'ai envie de me
consacrer à mon mari, de le voir toute seule! Je vais moins vers les autres
alors je prends sur moi et je me force, un peu, afin de ne pas fragiliser nos
liens vers l'extérieur. Je ne ressens même pas l'envie de parler de nos
difficultés à nos amis "anciens". Je crois que c'est ça le truc !
Ils sont "anciens"… Ils ont évolué, leur vie avance et me renvoie à
notre solitude constante. Nos nouvelles rencontres ont l’avantage de nous
prendre comme nous sommes au moment présent. Cédric a la même réaction,
peut être plus sérieusement, et s’inquiète en me disant « on ne va quand
même pas devenir associables et nous couper de nos amis ! ». Il
comprend et ressent même parfois lui-même le besoin de partager cela à deux. Je
n’ai pas envie de tricher sur notre état émotionnel ou tout simplement sur notre
état d’humeur et même de l’imposer (en étant naturel) à notre entourage. Rester
avec Cédric en tête à tête est la solution de facilité : il me comprend, nous
en parlons, ou, parfois, ce n’est même pas la peine. Nous passons ainsi du rire
aux larmes, ou vice et versa, sans peur d’être jugés. Cependant il ne veut pas
que cette « solution de replis sur nous» dure. Il aime, c’est sa
nature, voir du monde, faire de bons repas avec des amis etc. … Ces épreuves
nous rendent plus proches mais à un tel point que le danger est que notre
couple se suffise à lui-même…Je crains de faire un début de déprime, je cède à
la panique.
Mes nuits sont courtes, je me lève avec Cédric pour profiter
encore de lui avant qu’il ne parte pour une nouvelle journée de travail puis je
me recouche et je réussis souvent à me ré - endormir une grosse heure avant que
ce ne soit mon tour de me préparer. Les lundis matins sont durs. Cela devient
une habitude depuis la rentrée, tous les lundis matin, je boude la vie, j’ai un
peu le cafard… Et heureusement, dès que je suis au travail, tout rentre dans
l’ordre… ouf ! Je suis généralement rassurée de voir que le midi cet état
d’esprit a vite disparu. Néanmoins cela revient chaque semaine. Peut être
est-ce l’approche du prochain Transfert d’Embryons Congelés (TEC) qui
m’angoisse, je ne sais… J’enregistre plein de petites phrases ou images et de
temps en temps elles resurgissent et me font cogiter négativement. J’ai parfois
vraiment l’impression de devoir me battre contre moi-même pour savourer la vie
comme elle le mérite. Je culpabilise aussi de ne pas avoir le moral et de saper
celui de Cédric avec mes idées pas très gaies… Je voudrais tellement être
parfaite, la femme idéale qui maîtrise la situation, sereine jusqu’au bout,
maîtriser mon corps et mon esprit. Nat me convainc que nous ne nous débrouillons pas si mal à près tout.
Heureusement mon début de déprime s’évanouit en quelques semaines. Nous
nous re sociabilisons avec joie, profitant de cette pause avant le prochain
traitement. Le revers de la médaille est que nous avons levé un voile sur nos
relations avec notre entourage. La réalité est plus brutale : nous ne nous
encombrons plus avec des relations peu profondes. Nous ne faisons plus
d’efforts avec les « proches » qui n’ont jamais été vraiment
présents. Nous avons besoin de rapports solides, de personnes sur qui nous
pouvons compter, ressentir l’affection. Nous arrivons enfin à apprécier les
gestes, fusent-ils discrets, de soutien et qui nous touchent. Une petite carte,
un mail, un regard, une question : nous sommes heureux de constater que
les personnes qui nous sont chères sont aussi patientes et ne nous ont pas
oubliés. Nous sommes dans une phase d’optimisme, durant laquelle même les
maladresses ne nous atteignent plus. Ainsi, nous sommes à la fin du mois de
Février lorsqu’une future jeune mariée nous demande si l’on compte annoncer un
bébé pour 2004. Je lui explique alors (maladroitement aussi, je l’admets) notre
situation. Sa réponse fut inattendue : « Ah bon ! D’habitude on
voit ça à la télé ! Ça fait bizarre ! Pourvu que ça ne nous
arrive pas à nous ! » … A croire que, pour certaines personnes, nous pourrions porter malheur !… Nous en
rions. Néanmoins, nous sommes conscients de ne pas être équitables avec notre
entourage : certains avec les mêmes propos peuvent nous toucher alors que
d’autres nous blessent par leur silence.
Nous gagnons en caractère et
commençons (timidement au début) à répondre et dire ce que nous n’apprécions
pas, ou dénoncer les propos avec lesquels nous n’adhérons pas. Soit j’ignore
les propos blessants et j’évite le sujet par la suite ; soit j’explique ce
qui me blesse ou gêne lorsqu’il s’agit d’une personne que j’aime et apprécie et
avec qui je souhaite encore avoir l’occasion de discuter. Je préfère le deuxième
cas… J’essaie de ne plus être aussi dure. Dans d’autres domaines je manque
certainement également cruellement de tact sans m’en rendre compte. Etre
sensibilisé à ce sujet ne doit pas pour autant nous rendre obtus et
intransigeants. Nous sommes prêts à faire notre possible pour profiter de ces
moments de bonheur que l’on ne souhaite plus remettre à demain en attendant
toujours un événement précis : « je serai heureuse à la fin de mes
études », « nous serons heureux après notre mariage »,
« nous serons heureux lorsque nous aurons un enfant » sont des
pensées à bannir.
Plusieurs week-ends se programment
donc par ci par là.
Fini les examens préalables, les traitements
préparatoires… La première FIV peut enfin commencer.
10
Novembre 2003. C’est le deuxième jour de mon cycle menstruel. J’ai dû faire ma
première piqûre dans une station essence car nous ne nous étions pas rendus
compte de l’heure qui tournait. Cette injection doit en effet être réalisée
dans une certaine plage horaire. Le traitement a commencé sur les chapeaux de
roue, et pour couronner le tout, nous sommes sérieusement enrhumés, chacun de
nous deux… Dans la voiture, nous étions légèrement sous le choc de cette
précipitation, entre excitation et stress. Pourquoi cela ne marcherait
pas ? Pour l’instant tous les espoirs sont permis. Ma première semaine de
traitement s’écoule sans effets secondaires. Je prends consciencieusement des
oligo-éléments… Je dois me ménager alors que je ne sens rien, aucune fatigue.
18 Novembre 2003. Je regrette que mon
traitement ne passe pas inaperçu à mon travail. Les trois semaines d’arrêt
soulèvent des questions. Je prétends devoir subir une opération sans gravité.
Au niveau des proches, notre recul nous trahi. Je ne vois vraiment pas comment
faire autrement, il faudra bien que nous acceptions de parler de nos problèmes
de fertilité.
19
Novembre 2003. « La première arrivée est la première servie »
m’avait-on dit au CHU… Je compte en effet y aller demain, pour 7h15. Je ne sais
même plus où est situé le service, dans le bâtiment. J’ai de nombreuses choses
à leur amener pour compléter mon dossier. Il faudra que je prépare tout cela dans
la soirée. Ce sera la première échographie qui marquera la première phase. Cet
examen indiquera si mes follicules évoluent positivement.
20
Novembre 2003. J’arrive au CHU. Dans la salle d’attente plusieurs femmes sont
déjà là, les yeux dans les yeux, avec toutes le même espoir…L’une d’elle
m’explique : « d’habitude les gens attendent à la porte dès 6h45.
Cette dame et son mari, arrivés avant nous, ont apparemment dormi dans leur
voiture pour être à l’heure pour la ponction. ». Je prends conscience de
la chance que j’ai d’habiter à dix minutes du centre hospitalier… Des femmes de
toute la région se font suivre ici. Certaines mettent 1h30 pour venir à leur
prise de sang avant de repartir un peu avant 8h30 si tout se passe bien. Je
réalise que nous sommes toutes prêtes à beaucoup : nous subissons les
traitements quelle que soit la cause de l’infertilité de notre couple. Nous
jonglons entre travail, traitement et parfois pour certaines d’entre nous
également avec les enfants…La détermination se lit sur nos visages.
Vient mon tour pour la prise de sang et l’échographie.
La sage-femme m’explique que le service a été réorganisé et qu’elles sont
toutes un peu stressées (personne n’est encore là pour lire les échographies !).
Elles semblent faire avec les moyens du bord. Il s’agit - et s’agira à chaque
fois - d’une échographie pelvienne, c’est à dire d’une sonde placée dans le
vagin et non sur le ventre. Elle me dit que j’ai un kyste de 21mm sur l’ovaire
droit avec des petits follicules prêts à sortir. Kyste qui selon elle se
rétrécit… ouf ! Elles me disent de rappeler l’après midi pour connaître la
suite, le temps que les médecins analysent mes résultats. Je cours à mon
travail et, à midi, je rencontre mon futur remplaçant pour une entrevue qui durera
2h30. Je rentre à la maison, Speedée, je tente d’appeler mais impossible de
joindre le centre. Je panique, j’appelle d’autres services, puis après une
heure et demie, je les ai enfin ! Elles me disent que tout est bon. Je
peux commencer les injections de gonal-f et je suis arrêtée à partir de lundi.
Je raccroche et réalise que je n’ai pas bien compris le dosage. Impossible de
les joindre à nouveau car le standard est fermé. Je suis à la limite de perdre mon
sang froid… Je vais donc à la pharmacie pour demander conseil, j’envoie un mail
à Nat et, finalement, je me fais une injection de 150 unités, comme cela est
indiqué sur mes premières ordonnances… Nat m’envoie un message tard le soir,
désolée de n’avoir pu m’aider, et me conseille, la prochaine fois, d’appeler le
CHU à partir de 14h50 sans cesser d’appuyer sur la touche bis. Le lendemain
j’ai confirmation : 150 UI de gonal-f à injecter chaque soir.
24
Novembre 2003. Ma première semaine d’arrêt de travail débute, après ma prise de
sang matinale. La salle d’attente est toujours aussi pleine et pourtant les
« habituées » sont étonnées de voir aussi peu de monde…
26
Novembre 2003. Je fais ma deuxième échographie : le nombre de follicules
est bon. Je sens mon ventre devenir lourd. En outre, je suis la seule, pour
l’instant, à avoir un contact avec le CHU. Cédric est, en quelques sortes,
exclu du système alors qu’il voudrait pouvoir suivre le début de l’aventure
avec moi…D’ailleurs, aucun homme n’est présent dans cette salle d’attente.
A
l’échographie, les infirmières ont vu des follicules de 9,5mm à 17mm (voire de
plus grandes tailles, mais ceux-ci ne seront probablement plus viables au
moment de la ponction). Je crois qu’il y a en bien 20 en tout dont environ 10 à
la bonne taille… Je les sens par ce ventre qui se tend. Cet après-midi je
saurai donc si la ponction aura lieu lundi ou mardi. Si c’est mardi, il faudra
que les infirmières que j’ai contactées soient d’accord pour venir dimanche
matin et dimanche soir pour me faire une injection intra musculaire de
gonadotrophine afin de déclencher l’ovulation…
Je
me demande combien d’embryons en sortiront !…
Faut
– il être rasée pour la ponction ??? Et faudra –t-il prendre une douche à la
bétadine, un désinfectant, au CHU ?
28
Novembre 2003. Troisième échographie. L’appel téléphonique au centre,
l’après-midi, m’annonce que le déclenchement est imminent. Cette étape consiste
à injecter de la gonadotrophine, hormone qui permet à l’ovocyte de se libérer
du follicule. En attendant, je continue avec les mêmes dosages. J’appelle le
cabinet d’infirmières, qui m’indique que je devrai faire la piqûre de
gonadotrophine à 22h, dimanche, soit deux jours plus tard.
29
Novembre 2003. C’est la course aux examens pour le déclenchement. Je m’allonge : tout va bien…par contre debout, c’est
différent…Cédric me même dispute d’avoir sorti le linge du sèche-linge :
dialogue surréaliste. Il y a quand même du bon dans les FIV….
Lundi 1er Décembre 2003.
Je suis ereintée et les prises de sang ont eu raison de ma veine… Mon bras est
couvert de bleus. Nous arrivons une nouvelle fois tôt à l’hôpital, mais cette
fois nous sommes deux. La ponction se déroule bien et mon réveil est plus calme
que lors de ma cœlioscopie. Avec Cédric, nous attendons l’attente des
résultats. Cette attente est stressante, et paraît surtout très longue… Passée
au bloc à 7h45, nous ne repartirons qu’à 16h du CHU. Quinze follicules ont été
ponctionnés dont dix ovocytes parmi lesquels six ont été fécondés. Demain soir
une sage-femme nous appellera pour nous dire où nous en sommes plus exactement
et mercredi midi nous ferons le transfert.
Mardi
2 Décembre 2003. La sonnerie du téléphone retentit enfin…Nous avons quatre
embryons formés. Un transfert d’embryons dans mon utérus aura bien lieu demain.
Je
me renseigne sur ces étapes de la FIV et commence à me poser certaines
questions techniques ou éthiques : pourquoi le transfert est si rapide
après la ponction ? Apparemment seule la moitié des ovocytes fécondés sont
capables de se développer jusqu’au stade de blastocystes (stade où ils
s’implantent dans l’endomètre de l’utérus) et il suffirait d’attendre cinq
jours pour les identifier. Pourquoi dans ce cas ne pas faire le transfert plus
tard ? D’autre part, peu d’embryons peuvent supporter d’être congelés. Penser
que certains qui ne seraient pas assez résistants, pourront être détruits me
perturbe… Par ce système de congélation, un enfant peut avoir un frère ou une
sœur né trois ans après lui et pourtant conçu le même jour…
Je suis un angoissée à l’idée
que le Professeur nous annonce que l’on a trois embryons : deux qu’il nous
implanterait et un qui serait de moins bonne qualité, même s’il est « sain »
pour être congelé. Je crois que je serais prête à tenter des triplés si cela
m’était proposé…
Il faut que je dorme :
« arrête de cogiter Anne ! »
Mercredi 3 Décembre 2003. Pour nous, la journée est encore plus étrange que
lundi. Nous sommes deux couples dans la même chambre, avec la même émotion. A
13h00, une aide soignante vient nous chercher. Cédric, jusque là ignoré du
protocole, désorienté, ne sait pas s’il peut venir avec moi dans la salle
d’échographie, pour le transfert d’embryons. Nous avons la bonne nouvelle d’un
chiffre différent d’hier : six embryons et non plus seulement quatre. Deux
seront transférés et quatre congelés. J’ai attendu ce moment depuis plus d’un
an. C’est une étrange impression… Les embryons ont chacun quatre cellules (une division
toutes les douze heures). Le transfert est réalisé sous contrôle échographique
et le Professeur nous montre l’image de ces deux embryons « nageant »
dans mon utérus… Je retourne dans la chambre où je dois rester allongée une
heure avant de repartir chez moi. Une heure… Il n’y a pas d’espace temps ici…
J’ai trouvé curieux que Cédric n’ai pas le droit aussi
à un arrêt d’une journée sachant qu’il devait être à disposition du CHU
(travaillant à 80km d’ici, ce n’est pas évident !…), heureusement, il peut
poser des jours de congés…
Avant de nous laisser partir, une sage-femme nous rend
visite. Elle s’adresse à moi et ma voisine de chambre. Elle nous prévient que
nous pouvons ressentir des douleurs dans trois et douze jours, signes que les
ovaires travaillent pour la nidation (qui devrait se faire dans le week-end).
Elle nous prescrit des ovules à mettre tous les matins et soirs, et du Dafalgan
et spasfon pour les douleurs. Tout antibiotique est banni jusqu’au test de
grossesse (prise de sang) du 17 Décembre.
Ce soir, mon ventre est moins lourd qu’hier. Cédric me
bichonne, c’est le rêve… Quel bonheur finalement d’avoir eu six embryons de
bonne qualité : pas de questions à se poser sur le devenir d'embryons qui n'auraient survécu à une congélation.
4
Décembre 2003. Hier soir j’avais encore le ventre assez tendu et cette nuit je
me suis sentie mal. Cédric m’a alors apporté de la glace et là :
magie ! Plus aucune douleur, rien… Pourvu que ça dure… On a peut être
transformé nos embryons en esquimaux et mes ovaires en icebergs?!!!
La
journée est reposante comme lundi et mercredi. Mais en fin d’après-midi et
début de soirée des douleurs refont surface : stress? Cédric s’occupe des
tâches quotidiennes (ménage, courses, lessives…). Il me prépare des plats
légers depuis la ponction car mes intestins se remettent doucement de
l’anesthésie.
5
Décembre 2003. Je ressens moins de douleurs. Mon ventre est toujours aussi
tendu, contracté, mais maintenant la douleur est localisée du côté des ovaires,
moins près du nombril. Je reste allongée toute la journée…
Cette
nuit je me sens mal, je crains l’hyperstimulation et un séjour à l’hôpital.
6
Décembre 2003. C’est la super forme ! Je prends dafalgan et spasfon plus
systématiquement pour que la douleur ne s’installe pas…
7 Décembre 2003. J’ai l’impression
d’être dans ma bulle, dans mon appartement, et que le temps s’est arrêté. La
vie à l’extérieure continue et j’ai du mal à le réaliser. Je flotte… Laissez –
moi sur mon nuage !
9
Décembre 2003. Ce matin, j’ai vu un reportage dans l’émission « les
maternelles » sur France5 qui traitait des couples infertiles (témoignages
de couples aux infertilités inexpliquées) et qui se tournent vers l’adoption car
ils vivent mal les traitements (soit du point de vue psychologique soit du
point de vue physique). J’ai apprécié…Même si je n’en suis pas là.
Mais
ce soir, c’est la première fois que j’ai un mauvais pressentiment car j’ai
l’impression que je vais avoir mes règles. Bien sûr Cédric m’aide à me
ressaisir. Nous nous disons que c’est peut être normal de ressentir certaines
choses au niveau de l’utérus et qu’il est bien trop tôt pour baisser les bras.
C’est venu comme un flash… J’espère que je me trompe… cela nous mine le moral
pour la soirée… Nous devons réagir !
10
Décembre 2003. Aujourd’hui je retrouve de l’objectivité, mais je sens quand
même que ma force morale s’épuise. Il faut dire que l’épreuve est longue !
Je m’en veux de douter ainsi alors que j’ai encore toutes les chances de mon
côté…
Mes
sensations au niveau du ventre sont continues mais j’essaie de moins y penser.
J’espère avoir la réponse, quelle qu’elle soit, au test du 17/12/2003 et non en
ayant mes règles auparavant.
11 Décembre 2003. Cette sensation à mon
ventre (comme si j’allais avoir mes règles) n’est pas très forte mais persiste
et dure depuis maintenant trois jours. Parfois je me demande si ce n’est pas
aussi intestinal. Pourtant je continue à y croire même si je stresse de plus en
plus. Je commence à m’observer : mal de seins ? Grosseur des
seins ? Et je dors peu la nuit : cela fait trois jours que je dors de
23h à 3h30 puis de 7h à 10h. Je cogite beaucoup entre deux…
Je retrouve mes mécanismes pour me détendre face à
cette pression grandissante : j’ai organisé ma semaine pour m’occuper
l’esprit par des activités « douces » (sieste, TV, lecture, travaux
manuels, écriture, cuisine, un peu de travail, bain, etc…). Il fait beau et
froid, les toits des maisons sont blanchis et ça aide pour le moral !
Je continue néanmoins à focaliser sur LA question : je
guette le moindre changement qui pourrait être signe de grossesse. Je continue
à écrire tous les jours à Nat qui m’encourage et me rassure. Je commence même à
devenir versatile au niveau de l’humeur… (Excitée, songeuse etc…). Pas évident
de ne pas écouter le moindre signe de son corps même si l’on sait bien qu’il
faudra encore attendre pour connaître la réponse… Attendre quinze jours, c’est
long… Et puis c’est le moment crucial de l’aventure alors comment ne pas trop y
penser ?!…
Je suis soulagée de fêter le
réveillon de Noël et nouvel an qu’avec Cédric. Je suis consciente qu’il ne
faudrait pas trop que je me renferme sur notre couple. Mais je pense que c’est
raisonnable de ne pas voyager et de ne pas s’user le moral en faisant semblant
que tout est normal, que c’est le train-train quotidien. Et puis je ne sais pas
du tout dans quel état nous serons dans quinze jours… Je vais à l’encontre du conseil
entendu il y a peu de temps : « Il ne faut pas vous exclure »…
Eté 2003. Arrivent les
vacances d’été, et nous partons à deux dans le Verdon afin d’oublier tout cela.
Le temps nous aide à digérer ces huit derniers mois. Je peux alors faire le
point. Nous rentrons plus posés, sereins. Maintenant nous sommes fixés, nos
corps ont finis d’être examinés à la loupe. Le dossier médical s’est alourdi depuis un
an mais notre avenir dans ce domaine a désormais un nom : FIV-ICSI. Nous
avons conscience que ce n’est vraiment que le début d’une grande aventure avec
d’autres examens, opérations et tourments. Une page se tourne et il faut bien
que nous nous lancions. De plus la culpabilité a entièrement disparu :
nous sommes un couple infertile, et individuellement infertile, nous étions vraiment
faits pour être ensemble !
Une
solitude qui s’éloigne…
Ma cœlioscopie était
le premier acte chirurgical dans ma chair mais malheureusement pas le dernier
comme me le promet le processus des FIV. Je cherche tous les documents qui
peuvent m’aider à anticiper ce qui va nous arriver : de nouveau face à mon
ordinateur, je cherche de l’aide. Je tombe sur des sites Internet et des forums
où beaucoup de couples mais essentiellement des femmes parlent de leur
endométriose, de leur vécu face à l’infertilité et les réponses données en PMA.
C’est de cela dont j’ai besoin : lire les expériences des autres à ce
sujet. Je me documente. Les sites concernant l’endométriose me
terrifient : ces femmes décrivent toutes les douleurs qu’elles ressentent,
tous ces symptômes que j’ai la chance de ne pas connaître. Les souffrances sont
inégales, notamment selon les stades de la maladie (de un à cinq). Je me
reconnais dans certains détails mais globalement je me sens épargnée et j’en
suis soulagée. Je constate sur un forum que beaucoup de questions tournent
aussi autour des traitements et je laisse un message concernant l’énantone et
ses effets secondaires. C’est ainsi que je fais la connaissance de Nathalie.
Rapidement nous nous livrons l’une à l’autre au travers de nos e-mails.
Avec elle je parle
librement de notre histoire, sans peur d’être jugée, sûre d’être comprise. Je
ne ressens pas de pression, elle ne guette pas mes nouvelles : elle sait
ce que je vis et ressens puisqu’elle vit aussi le parcours des FIV. Son
expérience m’aide. Je lui fais part de ma déception de commencer directement
par des FIV-ICSI : le traitement est beaucoup plus lourd que les Injections
Intra Utérines. Si cette technique échoue, il n’y aura à priori pas d’autres
solutions. Elle m’écoute, me parle aussi de ses angoisses. Nous discutons de
nos sentiments, nous partageons nos points de vue sur la congélation des
embryons surnuméraires, le diagnostique pré-implantatoire, ou encore sur la
main de l’homme sur notre éventuelle procréation (ou devrais-je dire
reproduction)… J’ai encore quelques moments de stress et de perte de courage.
Avec Nat, j’ai trouvé mieux qu’un professionnel pour me soutenir et éviter de
perdre de l’énergie inutilement en me morfondant. Nos échanges marquent une
confiance entière. Nos maris n’y voient que des avantages : moins bavards,
ils savent que nous trouvons quand même notre dose de réflexion et ils n’ont
plus à se casser la tête pour nous faire cheminer ! Mon couple a trouvé son
équilibre. C’est un échange quotidien qui s’instaure par le biais de nos
messageries. Nous cherchons ensemble où trouver cette force en chacune de nous,
et nous débattons sur l’utilité controversée d’identifier la source de nos
problèmes. «En fait c’est vrai que je ne me pose pas tellement de question sur
l’origine de nos problèmes (que ce soit les miens ou ce de mon mari), car je
crains que ce ne soit que négatif, et que l’on remette en cause notre passé
voire même des personnes : je ne cherche pas d’événement qui pourrait être
la cause de nos problèmes. La seule chose qui m’interpelle quelque peu dans les
moments difficiles est ce côté d’injustice : pourquoi nous et pas les
autres ? Mais naturellement j’ai plutôt tendance à me dire que la vie est ainsi
faite pour nous (et le bilan en reste quand même très positif) et j’aimerais
trouver des idées pour le vivre au mieux. ». « J'ai lu un certain
nombre de textes prétendant que les causes pouvaient être psychologiques. Or,
j'ai eu une enfance heureuse et encore aujourd'hui je peux dire que je suis
heureuse de ma vie. Et pourtant je ne voudrais pas prendre le risque que mon
endométriose évolue mal. Je voulais donc connaître ton point de vue et ton
expérience». Nous communiquons par abréviations : endo (endométriose), ttt
(traitement), FIV, picpic (piqûre), etc… Nous n’allons plus sur les forums où
les témoignages de souffrance nous angoissent. Ecrire nous éclaircit, et les
réponses forment un soutien incontestable face au temps qui passe :
l’horloge biologique tourne ! Je sens que je me décourage moins vite qu’au
début, mais paradoxalement je me sens plus sensible qu’avant. Nous nous
permettons de craquer et de d’en parler car nous estimons que ce que nous
vivons n’est pas évident. Nous nous se lâchons par mails interposés pour mieux vivre
le lendemain. « Extérioriser nos peurs et sentiments d'espoirs? Moi je
trouve que c'est une bonne chose d'en parler. Ce n'est pas pour autant que nous
focalisons dessus… D'ailleurs depuis que nous nous écrivons, j'en parle nettement
moins à mon mari ». J’écris à Nat tout simplement ce que je me disais
toute seule avant…J'ai l'impression justement de moins perdre mon temps, de ne
plus ruminer en rond. Et la vie se charge de nous faire relativiser: dans notre
entourage professionnel ou familial, nous avons des personnes qui luttent
contre une maladie alors que dans notre cas ce n'est pas une question de mort
mais tout simplement de vie …
Le bienfait
des témoignages
A la lecture des témoignages
de femmes qui vivent à peu près la même histoire que nous, mon sentiment de
différence et d’injustice s’atténue. Non je ne suis pas seule. J’apprends au
travers d’un article de magazine féminin qu’une femme sur quatre est concernée
par l’endométriose. Une émission de télévision traite du sujet : « il
faut instaurer un contrat moral entre le docteur et les parents […] savoir
arrêter quand tout a été essayé […] association Pauline et Adrien […] Le
Vatican condamne la FIV dans son ensemble […] Le professeur Frydman souligne la
nécessité de comprendre les échecs, la médecine n’ayant cependant pas toujours
les réponses […] il faut poser des limites […] il n’existe pas de système
d’évaluation de la santé des bébés nés par FIV» : j’ai encore matière à
réflexion !
Quelles sont nos
limites ? Ce seraient plutôt des limites de temps, nous en discutons avec
Cédric et nous sommes d’accord que dans cinq ans il faudra se résigner et
passer à autre chose… D’ici là je ferai toutes les tentatives possibles à
chaque accord du centre hospitalier. La question du renoncement me fait très
peur. Je repousse cette question de cinq ans.
Je commence à penser
aux risques que je prends avec ces traitements, pour ma santé et celle de nos éventuels
enfants. Le Professeur m’a assuré qu’en matière de cancer aucune étude sérieuse
n’a pu démontrer quoique ce soit. Cet avis ne semble pas unanimement partagé.
Je me penche sur la
lecture : je trouve divers ouvrages. « Lettre à une mère » de
René Frydman, « un enfant coûte que coûte » de Josée Pochat Duhamel
dont le titre est en contradiction avec « un bébé mais pas à tout
prix » de Brigitte Fanny Cohen et enfin je tombe sur « Le »
livre qui me fallait : « le guide de la fécondation in vitro »
de Miguel Jean et Christophe Burtille. Dès les premières lignes je suis
captivée : « ce livre est objectif, sans aucun optimisme idéaliste ou
de pessimisme prudent… ». Les auteurs donnent des conseils pour
dédramatiser, « vivre la FIV comme une chance, se reposer sur l’équipe
médicale et s’en remettre à eux, se faire aider si nécessaire et savoir
s’entourer ». Je souligne des passages, j’en redemande. Je me reconnais et
j’espère inconsciemment deviner mon avenir… Dites moi si je serai maman !
Vais-je porter l’enfant de mon mari ? Je conseille ce livre à Nathalie. Il
aborde tous les aspects : biologiques, psychologiques, sociologique et
j’en passe.
Le risque de désociabilisation
Mais ce soir, j'ai le moral qui baisse. Nous sommes
dans un environnement dans lequel des naissances nous sont souvent annoncées (trois
couples d'amis nous ont fait de telles annonces en trois mois), et ce soir
j’apprends la grossesse d’une amie (deux couples en une semaine...), sans
compter tous les jeunes mariés (nous avons assisté à six mariages cet été) qui
lancent les projets... Nous étions parmi les premiers à nous marier dans notre
cercle d'amis et maintenant je les vois tous prendre de l'avance. J'ai donc l'impression
de stagner... Leur vie est comme un miroir négatif pour nous. Notre foyer ne
s’agrandissant pas, il me semble ne pas avancer. Je me raisonne, je me veux
optimiste... Aujourd'hui les baisses de moral me semblent moins profondes,
moins douloureuses. Néanmoins, comment éclater de joie face à une telle
nouvelle ? Nous avons peur que les autres lisent sur notre visage notre
peine, alors nous sourions, nous leur disons que nous sommes très heureux pour
eux afin de ne pas gâcher leur joie... Au fond, nous avons tellement mal. Ce
n'est pas de la jalousie, juste un rappel que nous sommes différents...
Je souhaite que nos familles soient au courant de la
situation sans demander de détails. Nous ne souhaitons pas avoir à nous expliquer
sur certains choix (refus d’invitation ou autres). Je crains qu'ils n'agissent
plus aussi naturellement avec nous de peur de nous blesser. Par maladresse
certains propos sont blessants : « si j’étais à ta place, je
réfléchirais un peu : ce sont des traitements lourds qui ne porteront peut
être pas leurs fruits, et après les médecins te suivront pour voir si tu ne
développes pas un cancer ». Merci pour les encouragements ! Comme si je
n’étais pas écartelée entre la FIV et les risques encourus d’une part, et
l’absence reflétée quotidiennement par la chambre vide de notre appartement
d’autre part… J’enrage et comme souvent je mets du temps à l’exprimer. Nous
voulons préserver la spontanéité mais nous désespérons à la moindre remarque
mal venue. Nous devenons très exigeants dans nos relations amicales, nous
pardonnons plus difficilement et nous nous attardons de moins en moins sur nos
soucis. Un décalage se créé. Nous supportons mal les rapports superficiels qui
nous paraissent encore plus flagrants qu’à l’accoutumée. Les regards ne doivent
pas changer, mais la crainte du jugement se profile inexorablement. L’espacement
de nos sorties et le repli sur nous-mêmes deviennent notre solution. Nous
voulons oublier et profiter. C’est plus facile avec les nouvelles : les
règles ne sont pas encore définies.
Je me coupe du monde. Quand je vais mal, je ne veux
embêter personne. J'ai de plus en plus de mal à parler de notre infertilité
autrement qu'en termes médicaux. J’arrive
à expliquer nos problèmes "techniques". J’ai par contre du mal
à parler de mes sentiments ou de la manière dont nous vivons réellement tout cela.
Bilan, plus le temps passe, plus nous choisissons de le vivre à deux... Nous ne
donnons aucun détail sur ce qui nous attend : ni date, ni descriptions des
traitements. La règle est de ne pas nous exposer à des questions ou
inquiétudes. Au fond nous voulons même garder une part de surprise si ça marche !
Tout le corps médical est déjà dans notre chambre à coucher pour nous aider à
faire un bébé. Il y a déjà assez de monde dans notre vie intime pour ne pas y
inviter nos proches…
Pourquoi ce qui semble si naturel est un vrai combat
pour nous ? Nous nous rassurons en nous disant que tous ces tracas sont là
pour nous faire savourer les choses de la vie… Je veux m’endurcir, je n’envoie
pas de SOS alors que, pourtant, j’ai besoin de réconfort. Merci Nat d’être là
tous les jours ! J’ai peur d’en arriver à ne plus supporter la vue d’un
enfant ou d’une femme enceinte. Je suppose que c’est l’ordre logique des choses
alors je ne m’affole pas. Je pressens que cette peur est attendue autour de moi
également. Je ne suis naturellement pas gaga devant un bébé, à vouloir le
prendre à tout prix dans mes bras et à applaudir à chacun de ses gazouillis. Mais
qui peut le croire maintenant ? Penser que je suis meurtrie au point de ne
pas approcher un berceau est évidemment une interprétation logique et
privilégiée de mon comportement face à notre situation.
Avant la
première FIV
Mon traitement sous énantone a des effets plus longs
que prévus… Ma ménopause artificielle persévère… Je commence à avoir des
bouffées de chaleur à mon vingt-huitième anniversaire, la situation est paradoxale.
Lors de cet entracte forcé, j’arrive à dénombrer en effet une quantité de
points positifs à notre aventure :
- Notre couple s’est renforcé. Nous partageons les
mêmes objectifs et nous nous épaulons.
- L’envie de bébé devient un réel désir à deux de
construire un foyer. Ce désir est dorénavant réfléchi et non plus seulement instinctif.
Je sens un bouleversement progressif dans ce domaine.
- Cette expérience m’amène à placer le couple au
centre de notre foyer et non plus l’enfant.
- Nous prenons plus de temps pour nous et nous encombrons
moins avec les détails de la vie quotidienne.
- J’arrive de mieux en mieux à dompter mon impatience
(ou impétuosité comme disais mon grand-père !). Je me connais
davantage : je cerne ma force et mes faiblesses. Maintenant, nous nous
rassurons nous-mêmes.
- Je me
déresponsabilise, j’évite de dramatiser. J’adopte cette phrase trouvée sur un
site : « la stérilité n’est pas une fatalité mais souvent un
verrou » et j’en cherche la clef.
- J’apprécie à nouveau le sport, la lecture et les
spectacles.
Pour cette fin d’année 2003, je veux me sentir bien et
affronter cette FIV avec un maximum de chances. Je crois que je suis prête. Je
veux faire simple, tourner la page en écoutant et suivant mon humeur sans être
trop exigeante avec nous-mêmes. Nous ne sommes pas parfaits mais nous faisons
assurément pour le mieux. Je rencontre les sages-femmes lors du rendez-vous
préconisé cet été. Elles me gardent une heure. Je découvre la salle d’attente
et leur bureau où elles m’expliquent le protocole de la FIV-ICSI que je suivrai.
Après le début de mes règles, j’arrêterai tout sport et je commencerai le
décapéptyl (une piqûre par jour dans le ventre entre 17h et 19h) puis contrôle
échographique pour s’assurer que mes ovaires sont bien au repos J’ajouterai ensuite
le gonal-f (seconde piqûre à faire tous les jours, dans le même créneau
horaire) pour activer ces derniers en contrôlant tous les deux jours par une
prise de sang et une échographie le bon suivi des opérations. Viendra alors le
temps de la ponction où il me sera délivré un arrêt de travail de trois
semaines. La ponction des ovocytes sera réalisée par les voies naturelles sous
anesthésie générale après un déclenchement par injection de gonadotrophine
(encore une piqûre, intra musculaire cette fois, qui nécessite par conséquent
une infirmière). Pendant les trois semaines d’arrêt, tout effort sera banni
pour éviter les risques d’hyper - stimulation (les ovaires auront bien
travaillé : bien plus qu’à l’habitude puisque dix fois plus d’ovocytes
pourront être « fabriqués » par rapport à un cycle normal). Enfin le
protocole se terminera avec le transfert de deux embryons – à priori au
maximum- dans mon utérus, les embryons surnuméraires étant alors congelés. Les
embryons seront formés par micro-injection d’un spermatozoïde dans chaque
ovocyte. Je n’imaginais pas que le traitement serait aussi long et qu’il
comporterait autant de piqûres ! Un arrêt de trois semaines!!!! Moi qui
tablais sur une semaine... Je n'en ai parlé qu'à deux personnes à mon travail, car
je souhaite être la plus discrète possible. Néanmoins, il est évident que trois
semaines ne passeront pas inaperçues!
Pour
plus de liberté, Les sages-femmes m’apprennent à me piquer en sous-cutanée.
Elles me préparent à l’idée que le plus dur sera la notion de temps, d’attente,
en me rappelant qu’une psychologue est à ma disposition. Pour la première
FIV... c'est le chiffre "1" qui m'angoisse le plus... Encore une fois
je repars les bras chargés d’ordonnances. « Il ne faut pas y penser, je
connais quelqu’un qui a arrêté tous les traitements et qui est tombée enceinte
comme ça ! » : c’est une phrase tellement classique… toutes les
femmes du service de « Procréation Médicalement Assistée » l’auront
entendue. Mais comment ne pas y penser tous les jours avec toutes ses
piqûres????!!! Heureusement, le travail me distraira. Les médicaments procurés,
je me jette sur les notices et les descriptifs des effets indésirables,
secondaires voire des risques encourus (le gonal-f, composé d’hormones,
provient de cellules d’ovaires d’hamster !)…Le livre de Brigitte –Fanny
Cohen m’a déjà alerté à ce sujet : combien de cycles de stimulation
sont-ils acceptables pour ma santé ? Les récents scandales, notamment des
hormones de croissance, m’interrogent. Le risque pour ma santé est-il
définitivement exclu ?
Nous sommes plein
d'espoirs et donc aussi de peurs à occulter. Nous rêvons que ce
"cauchemar" finisse à
la première FIV
comme si rien ne s'était vraiment
passé... D'un côté nous croyons en toute cette technique très élaborée que sont
les FIV et de l’autre nous connaissons les caprices de
la nature... Plus
le temps passe et plus j'ai hâte d'y être. Je me dis que
depuis ces deux ans où nous essayons bébé, nous n’aurons jamais eu autant de
chances que ça marche !
Je voulais éviter de trop y penser, de peur d’un échec qui n’en serait que plus
dur à accepter… Mais c’est impossible, c'est plus fort que moi. Je
"rêve" même d'avoir le bonheur d'être enceinte de jumeaux !
J’entends Cédric s’écrier : « tu es impossible ma Nanou ! Profites de ce
que la vie t’apporte. Pour le reste on fait ce qu’il faut et on se réjouira le
moment venu, mais arrête de vouloir toujours plus ! ». Je suppose que
ce sera le dilemme à chaque tentative : s’empêcher d’y penser et oser en
rêver… Et c’est à ce stade de la réflexion
que mes règles arrivent en novembre, avec deux mois de retard sur la date
initialement envisagée. Elles sonnent le début d’un nouveau chapitre que nous
allons pourvoir entamer in extremis avant 2004. Nous planifions
scrupuleusement nos week-ends. Ne pouvant prévoir nos réactions à venir selon
les évènements qui nous attendent, nous décidons que Noël et nouvel an se
feront en tête à tête et nous mettons
en suspend des vacances au ski et une inscription dans une salle de gym. En cas
d’échec, au prochain traitement, nous nous laisserons vivre.
Je croise les doigts pour que mon
traitement ne soit pas interrompu, comme il arrive parfois du fait lorsque le
corps réagit mal au traitement. …Je ne m’inquiète plus de ce que je pourrais
dire à mon travail pour mes trois semaines d’arrêt. J’annonce à des collègues
que je vais cesser certaines activités avec elles : « ah bon, tu ne viens plus à la gym : tu es
enceinte ? »… Petites allusions qui sont finalement assez habituelles
dans une vie de jeunes mariés…« alors les petites jeunes, quand est –ce
que vous nous faites des bébés ? ». J’esquive, gênée. J’ai parfois
tenté des réponses du type : « on prendra ce que la vie nous
offrira », « c’est la vie qui décide pas nous »… Mais l’effet
produit est terrible car les personnes ne comprennent pas toujours ces
allusions. Désormais je reste donc évasive : « c’est une surprise que
l’on se réserve », « joker » etc. … ou Cédric répond que notre
situation n’est pas des plus propice car il travaille à quatre-vingts
kilomètres de notre domicile », « que l’on a encore le temps » …
1er janvier 2003. « Vous partez déjà ?» nous demande-t-on. Difficile d’imposer ses décisions le lendemain de la Saint Sylvestre… Oui nous partons, c’est comme ça un point c’est tout… « Vous êtes toujours les premiers à partir ! ». Que répondre ? Les mots me manquent devant les reproches de cet ami qui ne se doute pas de notre empressement à rentrer chez nous pour être à l’heure à l’examen prescrit le lendemain matin… Ils ne se doutent pas de ce que nous vivons… Nos vacances, nos sorties sont calées sur nos examens médicaux, les résultats, les rendez-vous. Notre âge est un bon point dans cette aventure, l’avantage et l’inconvénient à la fois est de passer inaperçus. On n’imagine pas que notre couple est pris par de telles préoccupations. « Ils sont si jeunes ! Ils ont le temps pour y penser ! ». Les fractures se dessinent : fracture sociale mais aussi psychologique. Le temps a suspendu son vol. Les résultats sont tombés : ma gynécologue nous oriente désormais au CHU, service de la stérilité. Nous prenons rendez-vous pour deux mois plus tard avec Le Professeur J, urologue.
Les solutions médicales
L’attente dure une heure dans cette petite salle avant que le Professeur J nous reçoive dans son bureau. Il lit attentivement notre dossier et nous explique son avis, calmement et très techniquement. Il ne laisse rien transparaître, nous sommes suspendus à ses lèvres : le problème relevé par le spermocytogramme de Cédric est définitif. Aucun traitement n’existe pour lui. Il est dû à un accident (médicament ou traumatisme) et n’est donc pas héréditaire. Rien à craindre pour notre descendance. Néanmoins, nous avons environ 1% de chance d’avoir un enfant naturellement alors qu’un couple « normal » en a 25% à chaque cycle. Les chiffres nous assomment. Le professeur tient à relativiser : « naturellement c’est possible tout de même ! Etre un couple infertile ne veut pas dire stérile ». Notre recours serait « au minimum l’insémination artificielle intra utérine (IIU) si, Madame, vous ne présentez pas de contre-indications. Cette technique consiste à mettre madame sous traitement : une légère stimulation pour contrôler son ovulation. Ensuite après recueil du sperme de Monsieur et traitement (préparation et tri des spermatozoïdes sains), on place ces spermatozoïdes dans l’utérus de Madame ». Ce qui élèverait nos chances à 10% par cycle. Il faut compter au minimum un an pour faire 6 inséminations à la suite desquelles 50% des couples ont une grossesse. « Sinon ce sera pour vous des Fécondations In Vitro avec micro-injection (FIV-ICSI). A la différence des FIV classiques, les embryons ne se forment pas dans une éprouvette. C’est un laborantin qui sélectionne un spermatozoïde et l’introduit directement dans l’ovule. » Le professeur passe alors aux risques : hyper stimulation et grossesse multiple nécessitant une réduction embryonnaire. Ordonnances pour moi en main, nous sortons abattus…
Voilà la première période de cette aventure. Je connaissais enfin une cause mais je n’avais pas anticipé la suite : le choc. Je suis anéantie et Cédric culpabilise de me voir ainsi. Tel un cercle infernal, je culpabilise à mon tour car je pense avoir cherché notre malheur. Nous nous rassurons mutuellement. Il faut encaisser. Les jours passent. Petit à petit Cédric exprime sa propre souffrance qu’il vivait auparavant à travers moi. Je n’ose dire « pour » ou « à cause » de moi... Dégoûtés par cette injustice de la nature, notre colère monte. Toute cette boule négative pèse. Je la sens. Je voudrais que ça sorte ! Nous sentons alors le moment venu d’en parler à nos parents. Merci à eux pour leur écoute : au téléphone, j’ai pu déverser toute cette émotion et mettre des mots sur cette peur enfin identifiée, sans abîmer notre couple, et sans que Cédric n’entende tous ces maux. La colère enfin sortie, nous redressons la barre. Nous en parlons calmement avec nos parents, seules personnes avec qui nous partageons cette triste nouvelle. Nous voulons garder cela encore confidentiel et secret, car nous voulons être les seuls à en informer nos proches. Nous voulons tout gérer. Je suis émue de sentir dans un tel moment la force de nos liens. Nous respectons nos souffrances et communiquons alors de plus en plus.
Notre couple accepte mieux la situation, mais nous ne l’assumons pas encore. Et c’est bien un « nous » que nous formons. Partis de l’état apeurés, perdus et, pour ma part, paniquée, nous réussissons à positiver et surtout relativiser. Sûrs du couple que nous formons, sûrs de ce que nous voulons, nous apprenons que le temps ne joue pas en notre faveur. Plus on se lance tôt dans la Procréation Médicalement Assistée (PMA) plus on a de chances de succès. J’ai 26 ans et les pourcentages de réussites baissent à partir de 30 ans. Nous nous renseignons sur Internet et glanons toutes les informations se rapportant aux Insémination Intra Utérine (IIU). La décision est donc prise : nous savons ce que nous avons à faire et nous fonçons, quitte à fermer les yeux sur les réductions embryonnaires qui me font froid dans le dos. La « réduction embryonnaire » : quelle ironie! Des couples se battent grâce à la médecine pour avoir un enfant et si « malheureusement » cela marche trop bien, on réduit le nombre d’embryons ! Mes convictions personnelles et religieuses tolèrent mal ce point noir du traitement : je le perçois comme une grossesse au prix d’un avortement…Et des triplés ?… Suis-je prête à tous ces risques ? Le monde de la PMA et ses enjeux se dévoilent.
Printemps 2003. J’ai à nouveau rendez-vous chez la radiologue. Nous avons commencé à sympathiser depuis le début de nos recherches. Elle me parle de sa belle-sœur qui vit des choses similaires aux nôtres. Après un test de médicaments (pour voir comment je supporterais les traitements) accompagné de son lot de prises de sang, je dois faire une salpingographie (radio de mon utérus) pour vérifier que mes trompes sont bien perméables. Cet examen peut être douloureux m’a-t-on prévenue… Allongée nue sur la table froide, l’assistant m’apporte une couverture. « Il est plein de délicatesse » me fait remarquer la radiologue. L’examen débute, et il semble y avoir un problème. La radiologue a beaucoup de mal à injecter le produit radioactif et demande de l’aide de son assistant. Je suis écartelée et je ne comprends pas bien ce qu’il se passe. Plusieurs radiographies sont faites sous différents angles mais la doctoresse ne semble pas satisfaite. Ils m’abandonnent dix minutes. J’ai le temps de réaliser les bouleversements de ces derniers mois. Moi, si pudique auparavant, je ne fais maintenant aucunes manières devant ces examens. Je repense à mon critère de sélections dans l’annuaire pour ma première visite chez le gynécologue « je veux une femme ! ». Je veux surtout des personnes compréhensives ! Et j’ai la chance d’avoir trouvé ces professionnels humains face à des examens toujours plus intrusifs. Les dix minutes se sont largement écoulées lorsque l’on me convie à passer tout de suite une échographie pour affiner le diagnostic… Je suis blasée : que peut-il nous arriver d’autre ? Je sais déjà que ce ne sera pas simple pour avoir un enfant. Alors entre pas simple et compliqué…
Un nouvel obstacle : mon endomètre est trop épais pour ce stade de mon cycle. Je transmets à Cédric qui s’inquiétait de la longueur de cet examen. « Qu’est-ce que cela veut dire ? ». Nous lisons à deux le rapport : « dystrophie ovarienne », « hyperplasie », « hypertrophie de l’endomètre associé à un polype, mauvais brassage péritonéal », les mots s’entrechoquent et nous les rentrons dans un moteur de recherche sur Internet, seule source d’information chez nous sur ce domaine. Nous y lisons plusieurs articles sur les cancers de l’endomètre (nous ne nous effrayons pas : Internet délivre plus d’informations que nécessaires et il faut garder son calme). Nous relevons tout de même plusieurs phrases « il est impossible en échographie de différencier une hypertrophie bénigne de l’endomètre d’un cancer de l’endomètre ; ce diagnostic différentiel appartient à l’hystéroscopie et à l’histologie », « la pathologie fonctionnelle de l’endomètre, liée à un déséquilibre oestro - progestatif peut être source d’infertilité par impossibilité de nidation de l’œuf. » (l’endomètre étant la paroi de l’utérus où s’accroche l’embryon). Nous retombons en enfance à chaque retour de résultats : même honte face aux mauvaises notes comme à l’école…
Suite à cet examen, la suite de notre parcours devient à nouveau floue. Je pensais être fixée sur notre sort : je n’ai toujours pas compris que la vie est pleine de surprises… Peut être que notre destin est de ne pas avoir des enfants ! Mais, dans ce cas, quel est le sens de ma vie ? Et si nous nous lancions dans l’humanitaire ? Voyager au bout du monde ? Je me perds dans mes pensées… Le professeur J. m’a demandé d’apporter notre dossier au Professeur S., gynécologue. Ce dernier est souriant. Malgré les mauvaises nouvelles de mes derniers examens, il est rassurant. Il soupçonne effectivement une barrière aux Injections Intra-Utérines mais ne souhaite pas se prononcer de façon trop précoce, et me demande de subir une cœlioscopie / hystéroscopie - curetage et test au bleu, opération sous anesthésie générale pour aller voir de plus près cet utérus et ces trompes… Définir une date est à nouveau tout un programme : l’opération, comme la plupart des examens déjà subis, doit être effectuée à un moment précis de mon cycle menstruel et cela ne colle pas forcément avec l’emploi du temps du professeur…finalement ce sera pour fin Juillet 2003.
Notre couple se protège, nous nous acceptons et comprenons, soudés. Néanmoins le moral est à zéro. Nous décidons donc de partir en week-end, nous avons besoin de rire et nous défouler : on prévoit restaurants, parc d’animation, etc. … Nous en revenons plus lucides. Les discussions vont bon train. Notre seul sujet de préoccupation est notre état moral : je ne veux pas devenir un poids pour Cédric. J’évoque l’idée de me faire suivre par un psychothérapeute, aider par un acupuncteur, etc. … Bref je cherche des solutions pour pouvoir déverser mon mal lorsque j’en éprouve le besoin sans que ce soit sur Cédric. Je veux apprendre à mieux vivre voire bien vivre la situation pour affronter les difficultés qui nous attendent.
Encore fragiles aux propos de notre entourage, un coup de fil pourtant plein de bonne volonté réussit à m’écrouler toute une journée : « j’ai appris qu’Anne allait se faire opérer et que cela pourrait résoudre tous vos problèmes, je suis de tout cœur avec vous ! ». La phrase me fait l’effet d’une bombe. Surtout compte tenu du contexte : c’est lors d’une réunion de famille et d’amis (réunions que l’on évite en ce moment), à l’occasion de la fête des mères, que notre cas a été évoqué. Nous nous sentons trahis. Tout d’abord ce pointage du doigt me culpabilise : cette opération est loin d’être un remède, au contraire, elle est censée confirmer des difficultés plus importantes que prévues, difficultés que nous voulons assumer en couple ! Ensuite, nous sommes déçus que notre envie de discrétion ne soit pas respectée. C’est après que cet épisode se soit reproduit un mois plus tard que nous comprenons qu’il est temps d’assumer face à notre famille. Nous en parlons alors aux quelques proches ignorants encore nos « dernières nouvelles »… Dorénavant, frères, sœurs, parents et grand père sont au courant des réelles difficultés que les petits derniers que nous sommes, ont à constituer une cellule familiale.
L’opération préalable
Pour ma cœlioscopie, Cédric me suggère de nous faire épauler par ma mère pour me tenir compagnie et m’aider dans le quotidien. J’accepte. L’entrée à l’hôpital se fait d’un ton léger. C’est ma première opération mais je suis rassurée de la simplicité que semble présenter cet acte chirurgical pour le Professeur S. Ma mère et mon mari rient face aux préparatifs qui m’attendent dans ma chambre. J’ouvre la danse en lisant scrupuleusement la notice de ce petit tube tendu par l’infirmière ajoutant malicieusement « le docteur n’apprécierait pas de se rendre compte que le lavement a mal été fait ! ». Hum ! Un lavement ! Je n’y avais naïvement pas pensé ! Je m’exécute derrière la fine paroi qui me sépare de Cédric et de ma mère. « Il faut garder ce truc pendant quinze minutes ! C’est impossible ! », m’exclamai-je en sortant de ce coin toilette. Les rires fusent face à ma position jambes serrées, fesses serrées et visage grimaçant. Je m’allonge de peur de ne pas tenir le choc ! Les secousses liées au fou rire nerveux n’arrangent pas les choses ; je fonce aux toilettes avant les 15mn … De retour, le Professeur S. est dans ma chambre, il prend soin de ne pas me serrer la main : je suis grillée, il sait d’où je reviens… Il me reste le rasage et à avaler ces deux cachets qui vont me shooter et je suis fin prête pour passer au bloc.
L’après opération est nettement moins drôle. Je me réveille lentement. Le Professeur S. repasse dans ma chambre pour nous expliquer que les Injections Intra Utérines ne seront pas possibles pour nous. Il nous faudra envisager des Fécondations In Vitro – ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection, c’est-à-dire FIV avec micro-injection). Je souffre d’endométriose, maladie de l’endomètre assez fréquente qui me bouche mes trompes. Seuls deux traitements peuvent venir à bout de cette maladie : la grossesse, paradoxalement…, ou la ménopause. Le professeur ajoute que l’évolution de ma maladie n’est pas vraiment prévisible : elle peut nettement s’empirer ou au contraire totalement disparaître. C’est fou : je souhaite être enceinte mais j’ai une maladie qui m’en empêche et il faudrait que je sois enceinte pour guérir ! Le Professeur m’interdit les bains jusqu’à la fin de la cicatrisation, soit durant plus de trois semaines, et me prescrit un mois d’énantone, injection me provoquant une ménopause artificielle. « je vous aurais bien donné trois mois de traitement mais cela nous ferait décaler votre première FIV à l’année prochaine car nous fermons le centre pour les vacances de Noël. Un mois devrait suffire. Rappelez nous lorsque vos règles reviendront, ce qui marquera la fin de l’effet de l’énantone. Nous pourrons alors commencer les traitements pour la FIV. A ce propos, prenez rendez-vous avec les sages-femmes du centre, elles vous expliqueront tout sur ce qui vous attend lors d’une FIV, je vous ai apporté cette plaquette». Est ce le réveil difficile après l’anesthésie ou ces quelques phrases – toujours riches en informations données en un minimum de temps - que je pressentais et que je ne voulais pas entendre ; quoiqu’il en soit les larmes déferlent sur mes joues après le départ du Professeur, paniquée à l’idée d’avoir recours au traitement lourd des FIV. Ma pauvre maman est chamboulée de me voir dans cet état et craque. C’est moi qui la rassure et elle me murmure alors : « quand tu es heureuse, je suis heureuse et quand tu es triste je suis triste avec toi car je suis ta mère », ce à quoi je lui réponds : « ne t’inquiète pas petite maman, on va se battre pour te faire des petits enfants mais pour commencer tu vas me donner des conseils pour vivre au mieux ma ménopause, entre petites vielles il faut que l’on s’aide ! ». « Oui, et ça va marcher parce que vous êtes forts » rétorque-t-elle… Ma mère est là, près de nous et au travers d’elle nous ressentons nos quatre parents. Nous décidons que, dorénavant, nous ne demanderons plus leur présence dans ces épreuves. C’est à nous de le vivre, nous leur en avons trop demandé.
Je me rappelle le prêtre en train de prononcer, en ce 07 Juillet 2001, cette phrase traditionnelle : « …pour le meilleur et pour le pire …dans la maladie, la pauvreté… ». Je pensais avoir tout imaginé ou presque : tout sauf ça. Quoiqu’il puisse nous arriver, l’important était d’être deux et de continuer à avancer dans notre vie de couple. J’étais donc la plus heureuse, sûre de moi, rien ne pouvait entraver ce bonheur. Les intentions de prières, les chants de notre messe de mariage, tout était tourné vers notre devenir : être parent, avoir un enfant… « Voire deux, trois, quatre ou plus » comme s’est plu le maire à nous le rappeler en montrant le livret de famille tout neuf avec ses pages blanches qu’il nous souhaite, avec un sourire complice, de remplir… J’épouse entièrement ce projet de vie : être maman… Nous ne cachions pas nos projets à nos proches, tout en faisant semblant de rester prudents sur l’avenir car nous ne le maîtrisons pas (même si, au fond, de moi je pensais être enceinte rapidement). Personne n’était dupe et les « de nos jours, à moins de s’en protéger, l’enfant peut arriver bien vite ! » de nos familles étaient révélatrices.
L’inquiétude
Quelques mois se sont écoulés depuis le mariage et je m’inquiète déjà. Je repense à quelques femmes qui me sont proches affirmant tout haut « il suffisait qu’il me regarde pour que je sois enceinte ! »…
Des doutes s’installent, ils n’osent être dits de peur de porter malheur… Pourtant plus le temps passe plus je ne pressens rien qui vaille. Qu’ai-je donc ? Pourquoi je n’y arrive pas ? Je me sens assez seule mais c’est un mal nécessaire. J’en parle à Cédric qui me rassure en me taquinant et je ravale la véritable ampleur de mon angoisse. Je ne veux cependant pas trop l’inquiéter. Nous faisons comme si de rien n’était ; après tout, ce n’est qu’un contretemps. Nous prévoyons tout dans l’attente d’une heureuse nouvelle : nous louons un appartement en prenant soin d’avoir une deuxième chambre, nous achetons une voiture cinq portes avec un airbag qui peut se désactiver pour la mise en place d’un siège bébé à l’avant. Bref, il suffit d’attendre. Tout est prêt. Sauf mon corps…
Mon ventre fait de la résistance. Je me sens pourtant programmée pour cette vie : rencontre du prince charmant puis « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… ». Je redescends tout à coup de mon petit nuage et je me confronte enfin à la réalité. Jusqu’alors, la vie avec Cédric avait effacé mon manque de confiance en moi. Sa rencontre s’était accompagnée de réussite dans mes études. Moi qui avait du batailler pour réussir, tout ce bonheur si soudain me culpabilisait. Mon pessimisme prudent a-t-il provoqué notre malheur ? Je veux savoir ce qu’il se passe.
Je retrouve mon caractère ou plutôt mon éducation. Je refuse de subir, il faut que j’agisse. Le poids de la responsabilité d’une réussite nous a toujours été inculqué aussi bien à mon frère, ma sœur qu’à moi. « Si tu veux, tu peux alors donne-toi les moyens ! ». J’ai cru que tout mon bonheur ne dépendait que de moi. La phrase fétiche de mon père résonne encore « fais ta place au soleil ! Je serais fier de nous si tu en fais une plus belle que la mienne, c’est ce qui me rendrait heureux en tant que père ». Petite fille, je me préparais à l’idée de devoir assumer seule le poids du bonheur à construire. Mon stress face aux divers diplômes ou concours résidait bien dans cette idée : il fallait que je réussisse pour mériter ma vie confortable. Je me projetais sans cesse dans l’avenir synonyme d’inconnu et donc source de peur. J’avais hâte d’ être enfin libérée, lancée dans la vie active que j’aurais choisie, pressée de m’installer et de profiter du fruit de ces efforts. Aujourd’hui nous y sommes mais un manque persiste.
Que faire pour comprendre ce vide sans peiner Cédric. Facile à vivre, son entrain m’influence. Il est serein et ne devance pas son devenir. C’est une qualité que je ne veux pas lui gâcher avec mes craintes et c’est ainsi que je décide d’acheter un persona, petit appareil électronique permettant de connaître mon cycle- achat moins alarmant qu’une prise de rendez-vous en couple chez une gynécologue. Je prétexte que ce pourra même être un outil de contraception pour plus tard : après nos quatre enfants, il en faudra bien, non ? !
Feu rouge : c’est maintenant qu’il faut agir ! la notice de mon petit engin explique qu’une lumière verte signifie aucun risque (je dirais plutôt chance !) de procréation et qu’une lumière rouge caractérise l’entrée dans la période d’ovulation. Je guette chaque mois cette petite lumière rouge. Le symbole identifiant le jour « J » s’inscrit, je me rassure : j’ovule donc !
Mais alors quoi ? Huit mois se sont écoulés depuis notre mariage et je commence à dénaturer nos rapports. Je me surprends à les calculer… STOP ! Je sais que je vais trop vite, m’inquiète trop vite mais la question s’impose… Cédric est d’accord pour que nous consultions. Rendez-vous est pris. Un peu au hasard de l’annuaire, je m’adresse à une gynécologue (ma pudeur m’oriente vers une femme). L’entretien se passe mal : elle ne répond pas à mes craintes, me parle de frottis comme unique réponse à ma venue chez elle. Cédric reste silencieux, il se demande sûrement ce qu’il fait là ! J’en ressors révoltée : je réalise que les réponses ne sont pas si simples à trouver et Cédric, mal à l’aise, est étonné de me voir réagir ainsi. J’en veux à cette gynéco qui souhaite gérer mon corps comme un mécanicien répare une voiture ! Je lui en veux d’avoir clos si rapidement la discussion en prétextant que rien ne laisse présager des difficultés, que je ne dois pas agir comme si j’enviais tous ces couples qui ont de sérieux problèmes de fertilité. J’avais besoin qu’elle m’explique, qu’elle me parle, qu’elle me donne son point de vue : « la nature est parfois capricieuse, il est trop tôt pour s’inquiéter et vous faire des examens, prenez encore quelques mois et reprenons rendez-vous etc. … ». Mais non, elle n’a su que me culpabiliser davantage ; rien de bien positif. C’est un rendez-vous manqué.
Encore une fois, je patiente mais cette fois Cédric prend part à mon cheminement. Nous partons en vacances, nous prospectons pour l’achat d’un appartement et nous décidons d’attendre pour réengager une recherche. Nous calibrons notre vie matérielle non plus sur notre futur rêvé mais bel et bien sur le présent. Je vis au jour le jour en profitant de ce moment de repos que j’ai réussi à accepter. Nous nous installons dans une nouvelle ville, un nouveau cadre de vie.
Après ce break, des questions me surprennent : d’où vient cette envie de bébé ? Est ce un caprice ? Un désir sincère et profond ? Je sens une profonde conviction selon laquelle l’enfant est le sens de ma vie de couple. J’ai besoin de transmettre mon savoir, d’éduquer un petit être dont le sang serait un merveilleux mélange du nôtre. Les beaux ventres ronds me charment. Le dégoût de certaines se qualifiant de « grosse baleine » m’est étranger : je suis fascinée par cette idée d’avoir une vie en moi. Paradoxalement, le nourrisson ne m’attire pas tellement, petite dernière de ma famille je manque certainement d’entraînement… C’est pourtant sûrement révélateur.
Le diagnostic
Plus d’une année s’est écoulée depuis notre mariage. Tous deux convaincus d’une difficulté à découvrir, nous reprenons rendez –vous, quatre mois plus tard, cette fois chez une gynécologue – obstétricienne. Les délais sont longs (trois voire six mois d’attente). Mais qu’importe ! Je me persuade qu’ensuite tout ira plus vite…
Je vais seule à ce rendez-vous. Une femme d’un âge mûr m’accueille : sa chaleur me met en confiance. Elle sourcille à quelques détails que je lui livre : cycles menstruels irréguliers dont la durée varie de vingt-neuf à trente-six jours, voire quarante-et-un jours (grossesse nerveuse ? que de tests achetés avec l’espoir que dix jours de retard soient signes d’une grossesse !…), etc. … Elle me tend de nombreuses ordonnances pour des examens divers et variés. Le menu n’est pas des plus enchanteurs ! Elle a le mérite de répondre à chacune de mes questions, et c’est déjà beaucoup. Elle m’aide à considérer chaque éventualité et me permet d’y trouver à chaque fois une échappatoire. Tous les problèmes envisagés semblent surmontables.J’y crois, son ton positif m’atteint. Je la remercie, je me sens enfin comprise. Je ne suis pas folle. Je jette mon persona qui avait pris une place trop centrale dans notre intimité et je prends le temps de faire chaque examen sans empressement. Je me sens plus calme, moins tourmentée. Je vais enfin avoir des réponses !
J’ai droit à un bilan hormonal, un dosage sanguin, des échographies pelviennes et un test d’Hühner simple puis croisé pour commencer. Les prises de sang ne donnent rien d’anormal. Les échographies semblent troubler la radiologue mais ma gynécologue passe outre. Restent les tests d’Hühner qui permettront de juger de la qualité de ma glaire cervicale et de l’accueil fait aux spermatozoïdes de mon mari. Le programme fait sourire Cédric : il faut dire que le test d’ Hühner nous impose de mettre le réveil à cinq heures et demi du matin pour un rapport matinal, le but étant que je fonce ensuite au laboratoire pour un prélèvement de la glaire cervicale, tout cela avant d’être au boulot à huit heures !
Matin de décembre. Nos yeux s’écarquillent au doux son de ce radio –réveil sur lequel, une fois de plus, nous avons envie de nous défouler. Au radar, nous nous redressons avant de réaliser qu’il fait encore nuit et que le réveil nous ordonne de faire un câlin illico presto avant que Cédric ne parte le premier pour son travail : toutes les conditions sont réunies pour obtenir une performance désastreuse mais une franche rigolade ! L’examen au laboratoire et l’arrivée au travail me paraissent irréels…Episode croustillant de notre parcours… Je suis insouciante. Enfin prise en charge par un médecin, nous avons retrouvé notre bonne humeur. Nous ressentons les interrogations silencieuses des familles et amis mais cela ne nous pèse pas, du moins pas encore. Nous vivons dans un cocon, peut-être pour nous préparer à la suite. Je me détache de mes déceptions mensuelles puisque nous sommes médicalement pris en charge. A chaque retour de résultats du laboratoire, nous nous interrogeons, nous tentons d’interpréter, nous nous informons sur Internet (nous nous rendons d’ailleurs compte de la façon dont cette technologie change les rapports entre patients et médecins !). La question de l’origine de notre infertilité demeure mais de façon moins oppressante. Les examens se succèdent. Ils sont contraignants, nombreux et leur planification prend du temps. Les mois et les cycles passent. Jusqu’au jour où… Face à ma gynécologue, vient le temps des explications. D’autres examens sont nécessaires : cette fois uniquement pour Cédric. L’étau se ressert… Le spermocytogramme n’est pas non plus un examen facile et un laborantin peu discret n’arrange pas la chose…. Nous partageons davantage nos questions et nous nous rapprochons sur le sujet d’autant que les doutes sont officiellement légitimes donc mieux vécus. Nos proches se leurrent, ils croient que nous patientons. Je ne suis pas patiente. Je voudrais accélérer tout cela, c’est si long, je pense toujours être au sommet alors qu’il ne s’agit que d’un col. Quand tout cela va finir ?…Et comment ?
Notre infertilité a été une période longue et endurante. Le récit ci-dessous (cliquez ici pout le télécharger dans sa version complète au format .pdf) traite essentiellement du vécu des traitements médicaux dont l’endométriose... mais il aborde aussi l’épreuve du syndrome transfuseur transfusé (STT), rapide mais incroyablement intense et marquante ainsi que la malformation rénale detectée par échographie pendant la grossesse, nouvelle aventure que nous allons peut être bientôt vivre... Mon ventre est carré, certes, mais je ne le remercierais jamais assez!